Mairie de Ribeauvillé, Haut-Rhin - ©Alain Tavernier via Communes.com

Ribeauvillé, la cité des ménétriers

Blottie au pied du massif des Vosges, baignée par le Strengbach et entourée des vignobles, la commune de Ribeauvillé offre à ses visiteurs l’attrait des petites villes alsaciennes jalonnant la Route des Vins.
Dominée par les vestiges de ses trois châteaux, Ribeauvillé séduit ses visiteurs par le charme de ses ruelles bordées de maisons à colombage et par ses petites places sorties tout droit d’un livre d’histoire.
Deux fois par an, le village se métamorphose pour redevenir une cité médiévale. La Fête des Ménétriers en septembre et le marché de Noël en décembre invitent Ribeauvillois et touristes à plonger au cœur de l’histoire.

Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir autrement l’un des plus beaux villages d’Alsace.

Un peu d’histoire

L’Alsace est occupée dès le Paléolithique par des Néandertaliens nomades qui occupent des abris sous-roches et vivent de la chasse et de la cueillette.
Au Néolithique, des tribus venues d’Helvétie et des pays danubiens s’installent à leur tour dans la région et deviennent sédentaires grâce à l’apparition de l’élevage et de l’agriculture. Ils maîtrisent dorénavant le travail de la poterie et, dans un second temps du cuivre et du bronze.

Au 1er millénaire, les cultures de Hallstatt et de La Tène prennent naissance en Europe centrale et des tribus migrent vers l’ouest. La plus grande partie de la France actuelle est alors occupée par ces peuples celtes. Les Séquanes et les Médiomatriques s’installent en Alsace mais ils sont repoussés au milieu du 1er siècle avant notre ère par les Suèves, une coalition de tribus germaniques.

A la même époque Jules César entame la conquête des Gaules et affronte les Suèves menés par le chef Arioviste. Il parvient à les chasser au-delà du Rhin et implante des bases militaires afin de protéger les nouvelles frontières de l’empire.
Après la défaite de Vercingétorix et la soumission de la Gaule en 52 avant JC, l’Alsace est intégrée dans la province de la Gaule belgique qui obtient le statut de province impériale sous Auguste.

Au 4ème siècle de notre ère, l’empire romain perd de sa puissance en raison de guerres civiles et de complots pour le pouvoir. Cet affaiblissement profite aux peuples germaniques qui n’hésitent pas à traverser le Rhin pour effectuer des raids.
L’Alsace située le long de cette frontière naturelle est bien entendu l’une des premières régions attaquées et les Alamans s’y installent en 378 après avoir vaincu les légions qui se trouvaient encore sur place.

Parallèlement, les Francs s’implantent dans le nord de la Gaule ce qui provoque des affrontements entre les deux peuples.
En 496, Clovis, roi franc salien, annexe l’actuelle Alsace au royaume mérovingien sans pour autant chasser les Alamans déjà établis dans le région.
Intégrée dans l’Austrasie après le décès de Clovis, l’Alsace obtient le statut de Duché au 7ème siècle.
Sous la dynastie carolingienne, l’Alsace est tour à tour intégrée à la Francie médiane et à la Lotharingie.

A la fin du 9ème siècle, le roi Charles III le Gros réunifie les différents territoires francs pour la dernière fois de l’histoire. En effet, en 887, le roi qui ne parvient pas à repousser les Normands assiégeant Paris leur promet le versement d’une rançon et l’autorisation de passer sur son territoire pour attaquer les Burgondes en échange de la levée du siège.
Cette attitude jugée dégradante déplaît aux nobles qui destituent leur roi.
La Francie est alors définitivement partagée entre Eudes qui obtient la Francie occidentale et Arnulf de Carinthie qui gouverne la Francie orientale dont fait partie l’Alsace et qui deviendra le Saint-Empire germanique.
Toute la région profite de la puissance des empereurs et de sa situation le long des voies commerciales pour prospérer.

La fondation de Ribeauvillé

S’il est certain que le site de Ribeauvillé a été occupé dès la préhistoire, l’origine de la ville reste imprécise.
Ces terres appartiennent probablement à une villa entourée de quelques habitations plus modestes durant la période gallo-romaine.
A l’époque franque, ce domaine aurait été cédé à un chef franc du nom de Ratbert ou Ratbald. Le petit hameau se développe et devient une cité appelée Ratbaldovillare.
Au 8ème siècle, un document atteste que les terres sont léguées par le comte Sigfrid du Sundgau à son fils Altmann. Un autre document révèle que les biens situés en Alsace et appartenant à un dénommé Widon sont cédés à l’abbé de Saint-Denis et chapelain de Pépin-le-Bref, Fulrad.
On retrouve encore plusieurs mentions d’un Radberto-Villare, d’un Rabaldo-Villare et d’un Rutpoldes-Villare à la fin du 8ème siècle et au cours du 9ème siècle. Si les noms diffèrent, il semble bien qu’ils désignent tous Ribeauvillé. En revanche, on ignore tout des premiers seigneurs des lieux.

Les châteaux

A l’aube du 11ème siècle, Henri II dit le Boiteux devient empereur romain germanique et réclame la souveraineté sur ces terres en qualité d’héritier des ducs d’Alsace et de Souabe.
Sous le règne de Henri IV, elles échoient à l’évêque de Bâle qui les confie aux Ribeaupierre. Sur l’acte de donation, le château de Rappolstein (actuellement Grand Ribeaupierre ou Saint-Ulrich) est déjà mentionné mais la famille s’éteint en 1157.
Cinq ans plus tard, le fief est confié à Egenolphe (ou Eguenolphe) d’Urslingen apparenté par mariage à la maison de Ribeaupierre. Egenolphe choisit alors de conserver le nom de Ribeaupierre. Le château est agrandi et embelli.
A partir de cette date, les seigneurs de Ribeaupierre installent leur résidence sur le site de l’actuel Ribeauvillé qui est bientôt doté d’une fortification et qui obtient le statut de ville. La cité est divisée en deux, les évêques de Bâle conservant en effet l’un des quartiers tandis que les Ribeaupierre deviennent propriétaires du second.
Le plus grand des trois châteaux dominant Ribeauvillé est habité par des Ribeaupierre jusqu’à la fin du 15ème siècle. A cette époque, les seigneurs jugeant la demeure trop inconfortable s’installent dans la ville et construisent le « château bas ». Il reste cependant occupé par une garnison avant d’être abandonné définitivement après la guerre de Trente Ans. Les ruines ont bénéficié d’un classement Monument historique en 1841.

Mais revenons un moment au milieu du 13ème siècle, lorsque l’Altenkastel (Château du Haut-Ribeaupierre) est mentionné pour la première fois. Comme le château Saint-Ulrich, ce grand donjon trônant au sommet de la montagne est l’enjeu des rivalités au sein de la famille de Ribeaupierre qui conduisent à l’intervention de Rodolphe de Habsbourg. Anselme de Ribeaupierre a en effet tenté de spolier l’héritage de ses frères à son profit. Il sert également de prison à plusieurs reprises. Un chevalier anglais du nom de John Harleston y passe trois ans avant d’être libéré en échange d’une rançon. Des juifs accusés d’avoir empoisonné le puits ainsi que le comte de Chinay Philippe 1er de Croy, y séjournent également.
Au 16ème siècle, le château devient un élément important dans la défense de la région et sert de tour de guet jusqu’au milieu du siècle suivant avant d’être abandonné. Il est classé également Monument Historique en 1841.

Enfin, un troisième château de taille plus modeste est bâti également au 13ème siècle, le Girsberg (ou Petit Ribeaupierre).
Le bâtiment se présente sous la forme d’un donjon et est situé sur un éperon rocheux, en contre-bas du château Saint-Ulrich. Ce rocher aurait pu devenir un point faible en cas de siège et le Girsberg a donc une mission défensive. Un logis ainsi qu’une basse-cour entourée de communs sont ajoutés au 14ème siècle. Le château est donné aux chevaliers de Girsberg avant d’être repris par les Ribeaupierre après leur trahison, en 1422.
Comme ses voisins, le Girsberg est abandonné après la Guerre de Trente Ans et classé en 1841.

Le village

Revenons encore une fois au 13ème siècle, lorsque Anselme qui a tenté de s’emparer de l’héritage de son frère et de son neveu finit par se plier à la volonté des Habsbourg.
Pardonné pour sa rébellion qui l’a conduit à effectuer des raids dans les seigneuries voisines, Anselme en profite pour battre sa propre monnaie et pour lever des impôts.
Si Ribeauvillé ne devient pas une ville impériale, la localité profite néanmoins de libertés communales.

Ribeauvillé est à cette époque divisée en quatre cités ou quartiers ce qui permettait de partager la ville entre les différents héritiers de la famille de Ribeaupierre. Cet arrangement explique la coexistence de quatre enceintes entourées elles-mêmes d’un rempart. Des portes équipées de ponts-levis servent des passage entre les différents secteurs. Les taxes sur les marchandises et les droits de foires ou de marchés sont également partagés.
Ribeauvillé doit son importance à sa position entre Strasbourg et Colmar et à la puissance de la famille Ribeaupierre qui domine la région jusqu’en 1671, même après le rattachement de l’Alsace à la France à l’issue de la Guerre de Trente Ans.
On parle alors de « Comté de Ribeaupierre », un vaste territoire incluant huit bailliages.

En 1671, le nom de Ribeaupierre s’éteint faute d’héritier mâle et le comté est accordé par Louis XIV à Chrétien (ou Christian) II de Birkenfeld apparenté à la famille par son mariage avec Catherine Agathe de Ribeaupierre.
A sa mort, le comté échoit aux ducs des Deux-Ponts, des princes allemands qui possèdent des terres dans le royaume de France, principalement en Alsace-Moselle.
Il est ensuite intégré au Palatinat-Deux-Ponts et devient enfin propriété du Roi de Bavière Maximilien 1er.

La Fête des Ménétriers ou Pfifferdaj

Au Moyen-Âge, des musiciens appelés ménestrels ou ménétriers sont présents dans toutes les cours royales ou seigneuriales. Ils ont pour mission de divertir les courtisans et les invités, principalement grâce aux chansons de geste vantant les mérites des seigneurs et leurs exploits guerriers souvent embellis.
Petit à petit, ces œuvres chantées et accompagnées simplement d’un instrument à cordes ou à vent ne suffisent plus et les ménestrels cèdent leur place aux troubadours qui sont à la fois poètes et musiciens.
Les ménétriers quittent les cours et deviennent des artistes itinérants, jouant seuls ou en groupes sur les places des villages ou à l’occasion des noces et autres événements importants. La plupart de ces musiciens ambulants se regroupent au début du 15ème siècle en corporation appelée « Corporation Saint-Julien des Ménétriers » et sont dirigés par le « Roi des Ménétriers ».

Selon la légende, un seigneur de Ribeaupierre aurait donné de l’argent à un ménétrier qui avait cassé son instrument de musique. Les membres de cette famille aurait alors été choisis par la corporation reconnaissante pour devenir leurs suzerains.
En réalité, cette corporation qui prend de l’importance et qui est présente sur tout le territoire inquiète les empereurs allemands qui confient alors la tâche de les garder sous contrôle aux comtes de Ribeaupierre.

Quoiqu’il en soit, depuis cette époque, les Ribeaupierre organisent un grand rassemblement des ménétriers à Ribeauvillé, le 8 septembre.
Après avoir assisté à une messe donnée à l’occasion de la fête de la Nativité de la Vierge, les ménétriers rendent hommage à leur seigneur. Celui-ci préside ensuite un tribunal chargé de trancher les éventuels différends entre les membres de la corporation.

Cette coutume abolie par la Révolution a néanmoins été sauvée grâce à la volonté des Ribeauvillois attachés à leur histoire.
C’est ainsi que nous pouvons encore aujourd’hui découvrir le décor médiéval de la Fête des Ménétriers de Ribeauvillé, la plus ancienne fête d’Alsace encore organisée.
Chaque année, au début du mois de septembre, plus de 1.500 figurants et plusieurs centaines de musiciens et artistes de rues replongent la ville dans l’ambiance du 14ème siècle.

Comité des Fêtes
Mairie de Ribeauvillé
2, Place de l’Hôtel de Ville
Tel : 03 89 73 20 04
Mail : evenementiel@ribeauville.fr
Site web : https://www.ribeauville.fr/fr/fete-des-menetriers-pfifferdaj.html

Noël médiéval à Ribeauvillé

Ribeauvillé est attaché à ses traditions et à son histoire. C’est pour cette raison que son marché de Noël ne pouvait pas être tout à fait comme les autres.
Si l’Alsace est réputée pour ses illuminations et marchés de Noël, Ribeauvillé sort vraiment du lot en proposant un marché médiéval.
Celui-ci se déroule sur deux week-ends et la petite ville se transforme pour accueillir les visiteurs à la recherche de produits de terroir, de recettes moyenâgeuses ou d’artisanat traditionnel.
De nombreuses animations (jeux, démonstrations, jonglage, concerts, manèges, …) sont organisées sur le thème médiéval.
Il est conseillé de laisser la voiture sur les parkings, en dehors du centre-ville, et de rejoindre les festivités en empruntant la navette intra-muros.
De plus, les « Navettes de Noël du Pays des Étoiles » permettent aux visiteurs de découvrir les marchés des villages voisins, notamment Kaysersberg, Riquewihr et Colmar, … un circuit qui plonge au cœur de la magie d’un Noël alsacien.

Renseignements sur le site Ribeauvillé Riquewihr.

La visite

Profitez de votre passage à Ribeauvillé pour découvrir ses trésors :

Le Château de Girsberg

Le Château de Girsberg (ou Petit Ribeaupierre) se visite librement et gratuitement. On y découvre les vestiges d’un donjon pentagonal du 13ème siècle et d’un logis du 14ème siècle.

Le Château Saint-Ulrich

Le Château Saint-Ulrich est le plus grand des châteaux de Ribeauvillé. Son état de conservation permet de mieux comprendre la vie des seigneurs de Ribeaupierre du 12ème au 15ème siècle.
On y découvre les ruines du donjon carré et du logis (12ème siècle), de la salle des chevaliers et d’une tour d’habitation (13ème siècle), des fortifications (14ème siècle) et enfin de la chapelle dédiée à Saint-Ulrich bâtie au 15ème siècle.
Le château se visite librement.

Le château de Haut Ribeaupierre

Le château de Haut Ribeaupierre (ou Altenkastel) édifié au 13ème siècle n’est actuellement pas accessible au public en raison des travaux de rénovation. On peut cependant apercevoir les vestiges du bâtiment qui a servi régulièrement de prison.

Le château bas

Le château bas ou 4ème château de Ribeauvilléa été construit au 15ème siècle lorsque les seigneurs de Ribeaupierre quittent Saint-Ulrich pour une demeure plus confortable.
Ce château comprenant une trentaine de pièces réparties sur trois niveaux était entouré de jardins en terrasse. Luxueusement meublé, il a été confisqué et les biens ont été vendus durant la révolution. A l’heure actuelle, le bâtiment abrite le lycée Ribeaupierre.

Le musée de la vigne

Le musée de la vigne et de la viticulture se visite en haute saison en compagnie d’un guide, du lundi au vendredi à 11 et à 16hr. (durée de la visite: 1/2 heure)

Musée de la Vigne et de la Viticulture
2 route de Colmar
68150 Ribeauvillé

Mais également

  • Le Sanctuaire Notre-Dame de Dusenbach
  • La maison des ménétriers
  • les vestiges des fortifications et notamment la Tour des Bouchers
  • L’Hôtel de villedu 18ème siècle

Que manger dans la région ?

Nous ne pouvons pas parler de l’Alsace sans évoquer quelques-unes des spécialités de la région et notamment :

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2 thoughts on “Ribeauvillé, la cité des ménétriers”

  1. Bonjour,
    Je contribue au site depuis environ 2 ans par l’envoi de photos et j’ai vu avec beaucoup d’intérêt cette rubrique magazine qui permet de mieux connaitre les communes mais aussi et surtout des sujets très variés et très intéressants et parfois méconnus.
    Je ne sais pas comment vous sélectionnez les sites présentés mais je voudrais attirer votre attention sur l’église de Lachapelle ( Tarn et Garonne ). Très simple à l’extérieur, elle abrite un intérieur baroque époustouflant. Elle n’est pas encore très connue et mérite de l’être.
    Encore merci pour ce magazine.

    1. Bonjour Mireille,

      merci pour votre commentaire et vos contributions. Vous avez du remarquez que certaines de vos photos partagées sur le site Communes.com sont reprises dans certain article de ce nouveau magazine.
      Nous réfléchissons à ouvrir le magazine pour les contributeurs qui voudraient écrire leur propre article pour faire découvrir notre belle France. Seriez vous intéressée ?

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