Harcourt, joyau médiéval au coeur de la Normandie
Tour à tour celte, romaine, franque, viking, anglaise et française, la Normandie est une région au riche patrimoine architectural qui fait le bonheur des passionnés d’art et d’histoire.
Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir le château de Harcourt, une ancienne forteresse médiévale de l’Eure bâtie au 12ème siècle par l’une des plus anciennes familles de la noblesse française.
Un peu d’histoire
Les Celtes et les Romains
Comme la plupart des régions de la France actuelle, la Normandie est partagée, au cours du 1er millénaire avant JC, entre plusieurs tribus d’origine celtique, conséquence de la migration des peuples issus des civilisations de Hallstatt et de La Tène.
Ces tribus se coalisent autour du chef arverne Vercingétorix lorsque Jules César, bien décidé à se distinguer en remportant des victoires militaires, décide de conquérir les Gaules.
Malgré leur courage et de belles victoires sur les légions, la Normandie devient romaine en 51 avant avant JC et est intégrée dans la province impériale de la Gaule lyonnaise sous le règne d’Auguste, en 27 avant notre ère.
Après une longue période de paix et de prospérité, la « pax romana », la région est la proie des raids menés par les peuples germaniques dès la fin du 3ème siècle. En effet, les barbares profitent de l’affaiblissement de l’empire romain miné par les guerres civiles pour opérer des incursions au-delà du Rhin qui servait alors de frontière naturelle.
Les terres normandes attisent également la convoitise des Saxons arrivés par la mer.
Les Romains tentent de consolider leur position en renforçant le système défensif du littoral, de Boulogne à l’estuaire de la Gironde. Parallèlement, ils intègrent des guerriers germaniques au sein de leur armée afin de s’opposer plus efficacement aux autres Germaniques. En échange, ces nouvelles recrues reçoivent le droit de s’installer dans l’Empire.
Dès le 4ème siècle, on retrouve de nombreux Francs mais également des Saxons cohabitant avec les populations locales. L’intégration se fait en douceur.
Les Mérovingiens
Après la chute de l’Empire romain d’Occident en 476, les peuples germaniques des Francs, Burgondes, Wisigoths et Ostrogoths, sont donc déjà bien implantés en Gaule qui est dorénavant partagée en plusieurs royaumes. Dernière enclave romaine, le royaume de Soissons s’étendant jusqu’à Angers est dirigé par Syagrius, un ancien général. Il refuse de reconnaître la souveraineté d’Odoacre qui vient de déposer Romulus Augustule considéré comme le dernier empereur romain d’Occident.
Les Francs saliens qui occupent le nord-est de la Gaule sont alors gouvernés par le roi mérovingien Childéric 1er. A sa mort, vers 481, c’est son fils Clovis qui monte sur le trône . Celui-ci se révèle être un fin stratège militaire et un grand conquérant. Son royaume de taille modeste prend très vite de l’importance. Après avoir consolidé sa position dans le nord de la France actuelle, Clovis étend son territoire en conquérant le royaume de Soissons de Syagrius avant de poursuivre son extension au sud de la Loire, territoire des Wisigoths.
En quelques années, il annexe une grande partie de la France, par victoires militaires, alliances ou mariages, et fait de Paris la capitale de son royaume.
Cet immense territoire est partagé entre les fils de Clovis. En effet, selon la coutume franque, les biens d’un père sont divisés entre tous les fils survivants et non transmis au fils aîné. Cette tradition provoque non seulement un repartage continuel des terres mais est également à l’origine de nombreux conflits, complots et parfois assassinats. Malgré tout, le royaume franc fondé par Clovis conserve une certaine unicité et continue à s’imposer.
Parallèlement, le christianisme se développe suite à la conversion de Clovis. De grandes abbayes sont construites, notamment Saint-Ouen à Rouen ou Saint-Pierre à Jumièges. Elles deviennent rapidement puissantes grâce aux revenus tirés de leurs propriétés foncières.
Les Carolingiens
En 751, les Mérovingiens cèdent la place aux Carolingiens. En effet, les derniers rois issus de la dynastie de Childéric 1er sont trop jeunes, trop incompétents et trop influençables. Ils se laissent dominer par les « maires du palais » dont un certain Charles Martel qui profite du soutien du pape pour aider son fils Pépin-le-Bref à monter sur le trône.
Le royaume retrouve toute sa puissance et Charlemagne, fils de Pépin-le-Bref, reprend les conquêtes et annexe de nouveaux territoires en France et débordant même largement au-delà des frontières. Il devient Empereur d’Occident en 800 et règne sur un territoire allant de l’océan Atlantique aux contreforts des Carpates et de la Baltique à l’Ebre et au Volturno.
Les Vikings
Le fils de Charlemagne, Louis 1er dit le Pieux lui succède en 814. Seul fils légitime survivant, il hérite de l’ensemble de l’empire. Son règne n’est cependant pas de tout repos notamment en raison des révoltes de ses propres fils et des raids des Vikings qui viennent semer troubles et désordres en France.
Les historiens estiment que les premiers raids des « Hommes du Nord » ou « Nortmanni » en terres franques ont lieu à la toute fin du 8ème siècle, alors que Charlemagne est encore en vie. Ces Vikings ne cherchent pas à s’approprier des territoires mais veulent s’emparer des richesses des abbayes, villes et seigneuries ou capturer des personnalités importantes afin de les échanger contre des rançons. Les défavorisés ne sont cependant pas épargnés puisqu’ils sont réduits en esclavage.
Leurs raids sont rapides et meurtriers. Habiles navigateurs, ils parviennent à remonter les fleuves afin d’atteindre rapidement les villes et les attaquer par surprise. Si, au début, ils s’en prennent aux régions côtières, leurs incursions se font de plus en plus loin à l’intérieur des terres.
Vers la moitié du 9ème siècle, les ambitions des Vikings changent. Ils ont le projet d’installer des colonies au sein du royaume franc. Paris est assiégée à plusieurs reprises.
Dans les années 880, l’empire qui a été partagé plusieurs fois, au fil des successions, est réunifié pour la dernière fois de l’histoire par Charles III le Gros, suite au décès de ses frères Louis III et Carloman II. Cette réunification n’est cependant pas synonyme de stabilité. En effet, le pays souffre à la fois d’une économie à l’agonie et d’une grande insécurité due à la multiplication des raids normands.
Paris est assiégée depuis 18 mois et la situation semble sans issue malgré le courage de ses défenseurs. Le roi négocie la libération de la ville en échange du versement d’une rançon et de l’autorisation accordée aux Vikings de traverser le pays pour attaquer la Bourgogne.
Cet accord jugé humiliant est assimilé à un aveu de faiblesse et Charles III est destitué par la noblesse. A partir de 887, l’Empire carolingien est définitivement divisé en deux. Eudes qui a joué un rôle héroïque durant le siège de Paris devient roi de Francie occidentale tandis que la Francie orientale est confiée à Arnulf de Carinthie, fils illégitime de Carloman II.
Peu avant sa mort, Eudes désigne cependant Charles III dit le Simple, fils de Louis-le-Bègue, comme son héritier. C’est celui-ci qui concède en 911 les terres de Neustrie (ancien royaume de Syagrius) comprises entre l’Epte et la mer à Rollon, chef viking, en échange de la promesse de défendre ce territoire au nom du Roi et de se convertir. La signature du « Traité de Saint-Clair-sur-Epte » marque la naissance du Comté de Normandie dirigé par Rollon qui prend le titre de Jarl des Normands. En effet, ce n’est que son arrière-petit-fils, Richard II dit l’Irascible qui devient officiellement le premier « Duc de Normandie », en 996.
Les Harcourt
Bernard le Danois
Revenons quelques décennies en arrière lorsque Rollon obtient de Charles III des terres en Neustrie. Le jarl partage ce territoire entre ses compagnons d’armes dont Bernard le Danois qui joue un rôle prépondérant dans l’implantation des Vikings en Normandie.
Rollon parvient à ramener la paix dans son nouveau fief et à assurer la sécurité au sein de celui-ci, ce qui ne l’empêche pas de reprendre des raids dans les contrées voisines, à la fois pour s’emparer de leurs richesses et pour annexer quelques terres supplémentaires.
Les relations avec le roi Charles III ne sont pas non plus au beau fixe, Rollon refusant toute ingérence dans ses affaires. Il continue cependant à protéger l’embouchure de la Seine afin d’empêcher ses « compatriotes » de remonter le fleuve en direction du royaume franc du moins jusqu’en 923 lorsqu’il participe au pillage de Beauvais avec Ragenold, un autre Viking installé dans le comté de Nantes.
Entre-temps, Charles III qui ne parvient plus à s’imposer est déposé en juin 922. Robert 1er, frère d’Eudes monte sur le trône de la Francie occidentale mais est tué au combat lors de la Bataille de Soissonsl’opposant aux troupes restées fidèles à Charles III. Raoul de Bourgogne est choisi pour lui succéder.
Charles demande l’aide des Normands mais est victime d’un traquenard et est fait prisonnier par le comte de Vermandois et envoyé en captivité à Péronne tandis que son épouse et son fils Louis se réfugient en Angleterre.
Raoul décide alors de s’en prendre à ces Normands qui bravent son autorité mais il ne parvient pas à les soumettre et doit concéder de nouveaux territoires et accepter de payer un tribut pour garantir une paix éphémère.
Selon les sources, Rollon décède ou abdique en 927. C’est son fils Guillaume 1er dit Longue-Epée qui lui succède.
C’est à ses côtés que Bernard le Danois se distingue notamment durant la révolte des Normands menés par Rioulf contre leur jarl jugé trop favorable aux Francs.
L’époque est troublée par les alliances, les complots et les affrontements. Les alliés d’hier deviennent les ennemis d’aujourd’hui et inversement.
Or, en 936, le trône de France est inoccupé suite au décès de Raoul. C’est alors que le marquis de Neustrie et fils de Robert 1er, Hugues-le-Grand, se souvient du fils de Charles III réfugié en Angleterre. On lui envoie dare-dare une délégation pour lui demander de devenir roi de Francie occidentale. Il est couronné et sacré à l’âge de 15 ans sous le nom de Louis IV d’Outremer le 19 juin 936. En réalité, le jeune souverain passablement désargenté, qui ne connaît rien de son royaume et ne parle probablement pas le roman est totalement sous la coupe de Hugues-le-Grand qui joue le rôle de tuteur.
Les agissements de Hugues-le-Grand, devenu Duc des Francs, qui prend toutes les décisions en Francie déplaisent cependant à Louis IV. Il souhaite désormais assumer son rôle de roi. En 940, il lève son armée contre son tuteur et ses puissants alliés dont le comte Herbert de Vermandois et Guillaume 1er de Normandie.
Or, en l’espace de deux mois, entre décembre 942 et février 943, Guillaume est assassiné sur ordre d’Arnoul de Flandre et Herbert de Vermandois décède, de mort naturelle. Richard de Normandie est âgé de tout au plus douze ans et les quatre fils de Herbert se disputent l’héritage de leur père.
Hugues ne peut donc plus s’appuyer sur ses alliés. Louis profite de cette situation chaotique pour se rendre à Rouen et recevoir l’hommage de la noblesse dont fait partie Bernard le Danois. Il leur offre sa protection et place le comté sous l’administration de Herluin de Montreuil en attendant la majorité de Richard qu’il envoie en France pour parfaire son éducation.
Hugues-le-Grand qui n’en est plus à un revirement près retrouve sa place auprès du roi et obtient même la Bourgogne.
Nous sommes en 945 lorsque la situation se dégrade une nouvelle fois. Herluin doit affronter une révolte des Normands et appelle Louis IV à son secours. A peine arrivés en Normandie, les deux hommes tombent dans un guet-apens et Herluin est tué tandis que le roi parvient à s’échapper. Il est cependant capturé peu après par Bernard le Danois qui malgré sa « soumission » demande le soutien du roi du Danemark, Harald 1er dit la dent bleue, pour ramener le jeune Richard en Normandie.
Les Normands remettent Louis d’Outremer à Hugues qui est probablement à l’origine de sa capture. Celui-ci le confie à son tour à Thibaut 1er de Blois dit le Tricheur mais doit le libérer suite à l’intervention d’Otton 1er du Saint-Empire non sans avoir reçu la ville de Laon en compensation.
A la mort de Louis IV, Hugues-le-Grand reprend son rôle de tuteur auprès de son fils Lothaire et renforce même son pouvoir dans la lutte opposant la Francie occidentale à la Francie orientale. Lothaire décède en 986 et son fils Louis V est sacré roi des Francs. Lorsque celui-ci décède sans héritier une bonne année plus tard, Hugues en profite pour « pousser » son fils Hugues Capet sur le trône… ce qui met un terme à la dynastie carolingienne au profit des Capétiens… mais ça c’est une autre histoire.
Revenons en Normandie, aux environs de 960, date présumée de la mort de Bernard le Danois puisqu’il n’est plus mentionné par les chroniqueurs de l’époque.
En revanche, on voit apparaître le nom de Torf que certains historiens estiment être apparenté à l’ancien compagnon des Ducs de Normandie.
Quoiqu’il en soit, Torf hérite des terres autrefois données à Bernard, à savoir la seigneurie d’Harcourt.
Le moine Guillaume de Jumièges qui rédige l’histoire des Ducs de Normandie, « Gesta Normannorum ducum » au 11ème siècle mentionne les deux fils de Torf et de son épouse Ertemberge de Brioquibec, Turquetil né aux alentours de 960 et Turold de Pont-Audemer (ou Turulfe), fondateurs respectifs des maisons d’Harcourt et de Beaumont.
Or cette comtesse Gunnor avait, outre sa sœur Sainfrie, deux autres sœurs, savoir Gueuve et Aveline. La première épousa par les soins de la comtesse, femme d’une grande sagesse, Turulfe de Pont-Audemer, lequel était fils d’un certain homme nommé Torf, qui a donné son nom à plusieurs domaines, que l’on appelle encore aujourd’hui Tourville. Ce Turulfe avait pour frère Turquetil, père d’Anquetil de Harcourt (…)
La maison d’Harcourt
La famille d’Harcourt est donc l’une des plus anciennes familles françaises mais également anglaises dont les lignées ne se sont jamais éteintes depuis le Moyen-Âge.
Les premiers seigneurs d’Harcourt participent à la conquête de l’Angleterre aux côtés de Guillaume-le-Conquérant, en 1066. Si Turquetil est bien le fondateur de cette lignée, le nom de seigneur d’Harcourt est porté officiellement pour la première fois par son fils Anquetil.
De ce dernier, on se sait pas grand chose si ce n’est qu’il épouse Eve de Boissey qui lui donne huit enfants dont Yves qui s’installe en Angleterre après avoir participé à sa conquête. Rappelons, que Guillaume de Normandie devenu roi d’Angleterre a choisi d’asseoir son pouvoir en offrant des terres à ses barons normands. C’est donc Yves d’Harcourt qui donne naissance à la lignée anglaise qui se divise au fil des siècles en plusieurs branches. A l’heure actuelle, seule la branche d’Ankerwyckene s’est pas éteinte.
Le fils aîné d’Anquetil, Errand décède sans héritier et c’est son frère Robert qui hérite du titre de seigneur d’Harcourt. C’est donc lui qui bâtit le château dans l’Eure.
Le château
Ce premier château construit en bois est défendu par une palissade et un fossé et est donc en réalité une motte castrale. Si la fonction de ce type d’édifice est dans un premier temps uniquement défensive, elle évolue peu à peu lorsque les seigneurs choisissent d’y installer leur résidence. Afin de profiter de la protection de leur seigneur, les habitants de la région construisent leurs habitations au pied de ces mottes. On assiste à l’éclosion de petites cités. Les seigneurs tirent profit de la situation car ils perçoivent désormais des impôts, des péages et des droits de justice. En échange, ils accueillent les villageois à l’intérieur des murs de la forteresse et leur procurent des vivres en cas d’attaque.Le second château d’Harcourt, celui que nous pouvons visiter encore aujourd’hui est édifié en pierres vers le milieu du 12ème siècle par Robert II d’Harcourt, compagnon de croisade de Richard Coeur-de-Lion.
La puissance des Harcourt
Par mariages et par héritages, les seigneurs d’Harcourt sont désormais à la tête de nombreuses propriétés disséminées en Normandie. Ils sont non seulement fortunés mais participent également à la vie politique. Ils sont notamment témoins lors de la signature des traités conclus par les rois d’Angleterre qui sont, rappelons-le, également ducs de Normandie. On leur doit aussi la fondation de plusieurs édifices religieux.
Au 13ème siècle, Richard d’Harcourt se rend à Reims pour assister au sacre de Louis IX dit Saint-Louis et fait partie des trente principaux barons de France. Son fils participe aux septième et huitième croisades aux côtés du roi.
Les seigneurs d’Harcourt font de beaux mariages leur permettant non seulement d’accroître leur fortune mais également de se rapprocher toujours plus des rois de France. C’est ainsi que Jean III épouse Alix de Brabant, la nièce de Marie de Brabant, elle-même épouse de Philippe III dit le Hardi. Leur fils, Jean IV est le premier à porter le titre de comte, un titre octroyé par Philippe VI pour récompenser sa fidélité. Il décède en 1346, à la « Bataille de Crécy » opposant les armées française et anglaise, dans les premières heures de la Guerre de Cent Ans.
Les bonnes relations entre les rois de France et les Harcourt se détériorent lorsque Jean V et les autres seigneurs normands soutiennent les prétentions au trône de France de Charles II de Navarre dit le Mauvais, fils de Jeanne de Navarre et donc petit-fils du roi Louis X dit le Hutin.
Charles II brigue donc cette couronne de France qui aurait dû lui revenir selon la loi salique puisque sa mère était la seule enfant survivante de Louis X alors que Philippe VI est issu d’une branche cousine.
Entre-temps, Jean II dit le Bon a succédé à son père Philippe VI en 1350. Il lève de nouveaux impôts afin de financer la guerre contre l’Angleterre et s’attire ainsi le courroux des Normands.
Jean d’Harcourt s’élève ouvertement contre lui.
Il est présent en 1356 lorsque Jean II le Bon vient en personne arrêter Charles-le-Mauvais convié avec toute la noblesse normande à un banquet à Rouen organisé par le propre fils du roi, le dauphin Charles qui a reçu la Normandie en apanage.
Jean d’Harcourt accusé de l’assassinat de Charles de la Cerda, connétable de France, et trois autres Normands sont arrêtés et exécutés sans autre forme de procès au « Champ du Pardon ». Les corps sont exposés dans le centre de Rouen.
Parallèlement, le château d’Harcourt est saisi sur ordre du roi.
Cette exécution pour le moins sommaire est lourde de conséquences puisque l’oncle de Jean V d’Harcourt, Geoffroy se tourne aussitôt vers le roi d’Angleterre pour obtenir vengeance. Il décède quelques mois plus tard sur le champ de bataille non sans avoir légué ses biens situés en Normandie à Édouard III d’Angleterre ce qui permet à ce dernier de poursuivre la guerre sur le sol normand et de capturer Jean le Bon.
Devenu régent de France en l’absence de son père retenu prisonnier, le dauphin réhabilite le nom de Jean V Harcourt, rend le domaine à son fils, Jean VI et va même jusqu’à marier celui-ci à sa belle-sœur, Catherine de Bourbon. C’est ainsi que Jean VI d’Harcourt devient le beau-frère par alliance du roi de France Charles V dit le Sage lorsque celui-ci est sacré en 1364.
Son fils, Jean VII se distingue également au combat. Durant la bataille d’Azincourt, en 1415, il est fait prisonnier par les Anglais. Ceux-ci s’emparent également du château d’Harcourt, trois ans plus tard, tandis que les titres de Jean VII sont octroyés à des nobles anglais. Son unique fils, Jean VIII, est tué à la Bataille de Verneuil, en 1424, qui se solde par une victoire anglaise.
Lorsque Jean VII décède à son tour en 1452, la branche aînée des Harcourt s’éteint avec lui et une longue guerre de succession s’ouvre entre les familles de ses deux filles, Marie d’Harcourt épouse d’Antoine de Lorraine et Jeanne d’Harcourt épouse de Jean de Rieux. Entre-temps, la seigneurie d’Harcourt est confiée à la maison de Rieux.
Finalement, un mariage entre leurs descendants respectifs, Louise de Rieux et René de Lorraine, célébré en 1555 réconcilie les deux branches de la famille.
Les héritiers de Louise et de René appartenant à la famille de Lorraine-Guise possèdent dès lors le comté d’Harcourt. Le premier d’entre eux, Charles 1er de Lorraine est nommé Grand écuyer de France après avoir renoncé à se battre contre Henri de Navarre devenu roi de France sous le nom d’Henri IV.
En 1747, le dernier prince de Harcourt, Louis Marie Léopold de Lorraine décède à l’âge de 27 ans sans descendance. La propriété passe à sa nièce Marie-Charlotte de La Tour d’Auvergne, à la fille de celle-ci et enfin à Antoine de Vignerot du Plessis, fils d’Elisabeth-Sophie de Lorraine, elle-même sœur de Louis Marie Léopold.
Le domaine d’Harcourt est finalement vendu en 1802 à un agronome, Louis-Gervais Delamarre. C’est à lui que nous devons la création de l’arboretum qui recèle de véritables trésors. Il lègue le domaine à l’Académie d’Agriculture de France, anciennement Société Royale d’Agriculture.
La disparition de la branche aînée de la famille ne signifie pas pour autant celle du titre de duc d’Harcourt octroyé en 1700 par le roi Louis XIV au maréchal de France et marquis Henry de Beuvron, descendant direct de la famille d’Harcourt. Cette distinction est enregistrée au parlement de Paris, le 19 mars 1701 et à celui de Rouen le 30 juillet de la même année. Depuis cette date, il est resté dans la famille et est porté actuellement par le politicien François Henri, 13ème duc d’Harcourt, né en 1928.
Parallèlement, le titre de marquis d’Harcourt est octroyé par Louis XVIII à Charles-Louis Hector d’Harcourt d’Olonde et est également transmis en héritage à partir de cette date. Actuellement et depuis 1984, le titre est porté par le marquis Jean d’Harcourt, né en 1952.
La visite
La découverte du château d’Harcourt plonge les visiteurs au cœur de l’histoire. L’édifice a en effet gardé son plan d’origine et on imagine aisément que la bâtisse flanquée de donjons massifs et aux étroites ouvertures a été conçue pour résister aux assauts des envahisseurs.
Ce château permet de mieux comprendre l’architecture d’une forteresse médiévale même si le logis seigneurial n’est venu compléter l’ensemble qu’au 13ème siècle et si une partie de son système défensif a été perdu au fil des siècles.
La façade intérieure a subi des remaniements à l’époque classique afin de correspondre aux nouveaux besoins de ses propriétaires. Le contraste entre les deux façades est saisissant.
On peut également découvrir les vestiges d’anciens bâtiments qui servaient aux soldats et aux domestiques ainsi que les restes de l’enceinte qui protégeait la basse-cour pouvant accueillir les habitants des villages en cas d’attaque.
Le châtelet bien mieux préservé a été modifié à plusieurs reprises au cours de son existence, en fonction de ses destinations.
Les amateurs de botanique découvrent avec plaisir l’arboretum d’Harcourt riche de plus de 500 espèces d’arbres dont certains vieux de deux siècles. Il se prolonge par un espace réservé aux plantations expérimentales commencées dès le 19ème siècle.
En pratique
Le château d’Harcourt appartient au Département de l’Eure et ouvre ses portes au public du 1er mars au 15 novembre :
- tous les jours sauf le mardi de 14 à 18 hr de mars à mi-juin et de mi-septembre à mi-novembre
- tous les jours de 10hr30 à 18hr30 de mi-juin à mi-septembre
Des animations sont régulièrement organisées, notamment les Médiévales d’Harcourt.
L’arboretum est accessible aux personnes à mobilité réduite. De plus, des bancs sont mis à la disposition des visiteurs.
Les chiens tenus en laisse sont autorisés dans l’arboretum mais pas dans le château.
Domaine d’Harcourt
13, rue du château
27800 Harcourt
Tel : 02 32 46 29 70
Email : [email protected]
Site web : http://www.harcourt-normandie.fr
Plus d’informations sur la ville d’Harcourt sur notre page dédiée.
Que manger dans la région ?
Bien entendu, une visite en Normandie passe obligatoirement par une halte gourmande afin de découvrir, par exemple :
- la sole normande accompagnée de champignons, d’écrevisses et de moules sans oublier sa sauce au vin blanc crémée
- la crêpe normande aux rondelles de pommes caramélisées et flambée au calvados
- la teurgoule, un dessert à base de riz au lait aromatisé à la cannelle ou à la vanille
- le bourdelot, une pomme évidée et farcie de sucre parfumé au calvados, le tout enrobé de pâte avant de passer au four.