Le beffroi de la ville de Dreux (Eure-et-Loir) - ©Contributeur Communes.com

Les beffrois, symboles des libertés communales

Les beffrois font partie du paysage du nord de la France et de la Belgique. Hautes tours isolées ou adossées à l’hôtel de ville, elles symbolisent les libertés autrefois accordées à la cité par son suzerain.
L’UNESCO a classé 56 beffrois sur la liste du patrimoine mondial. 23 d’entre eux sont situés en France.

Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir l’histoire de ces tours qui se détachent sur le ciel du nord.

Un peu d’histoire

Les tours d’assaut

Avant d’entamer le chapitre concernant les beffrois communaux, nous allons nous attarder un moment sur les tours de siège, des constructions en bois qui permettaient aux assiégeants de s’avancer en sécurité face aux murs d’une ville. Ces tours également appelées beffroissont, à l’origine, de conception fort simple mais leur structure s’est complexifiée au fil des siècles afin de devenir un véritable engin d’assaut.
Différentes plate-formes sont alors intégrées dans le corps du beffroi afin d’abriter parfois plus de cent assaillants tandis que la tour en elle-même est équipée d’un pont-levis qui bascule sur les remparts, d’un trébuchet destiné à faire des brèches dans le mur et même d’un bélier.
Les plus anciennes représentations de tours de siège ont été découvertes au Proche-Orient. Elles datent du règne du roi assyrien Assurnazirpal II, soit au 9ème siècle avant notre ère.
Cette technique de siège a traversé les siècles et les frontières et a été utilisée aussi bien par les Chinois que par les Romains.
Le beffroi d’assaut devient un élément indispensable lors des sièges des villes durant le Moyen-Âge. Il perd de son intérêt avec le développement de l’artillerie et l’utilisation de la poudre à canon à la veille de la Renaissance. A partir de cette époque, les techniques de guerre vont radicalement changer.

Les communes libres

Au Moyen-Âge, un suzerain, seigneur ou roi, peut accorder des libertés communales à une cité qui profite dès lors d’une certaine indépendance tout en restant vassale. La notion de commune reste cependant assez imprécise car les privilèges accordés pouvaient présenter de grandes différences d’une ville à l’autre.
Chaque ville a en effet sa propre organisation et les décisions sont prises soit par une assemblée représentant les différents classes sociales soit par quelques familles issues de la noblesse locale.
C’est au 11ème siècle que les villes amorcent ce tournant qui va les conduire vers une plus grande indépendance. Tout ne s’est pas fait sans heurt et si la plupart de temps cette évolution se fait naturellement, parfois, elle débouche sur une véritable lutte pour le pouvoir. C’est notamment le cas lorsque le clergé souhaite conserver son autorité et s’oppose parfois avec violence à l’aristocratie et à la bourgeoisie.

Les premières villes françaises qui bénéficient de cette indépendance communale sont situées dans le sud du pays. Arles, Carcassonne ou encore Nîmes acquièrent leur autonomie tout en douceur dès le début du 11ème siècle. Il s’agit plus d’officialiser une situation déjà en place que d’une véritable révolution.
Dans le nord, la situation est différente car ce sont les guildes, des associations regroupant des personnes exerçant la même profession, jouissant des mêmes droits et obéissant aux mêmes règles, qui sont à l’origine de la prise d’indépendance des villes.
Les membres de ces guildes, principalement des commerçants, avaient déjà pour habitude de se réunir et de former une véritable coalition contre leur seigneur quand il fallait protéger leurs intérêts. C’est ainsi qu’ils ont obtenu de nouveaux droits de leur suzerain, par la diplomatie, par la menace voire la violence et même en les achetant.
Face aux exigences des guildes, les seigneurs abandonnent progressivement une partie de leurs droits féodaux et une charte est établie afin de mettre par écrit les termes de ce contrat.
Cette charte permet de fixer les droits et les devoirs de chacun notamment en ce qui concerne la justice et les impôts.
En réalité, bon nombre de seigneurs au bord de la ruine abandonnent volontiers ces droits en échange d’une somme d’argent qui vient bien à propos renflouer leurs caisses.
Une fois de plus, ce sont les membres du clergé, abbés ou archevêques, qui sont les plus récalcitrants car ils ne veulent pas renoncer à leurs privilèges en faveur des « manants qui veulent faire les seigneurs, des femmes qui se disputent, un troupeau de porcs qui grognent… » (Prêche de l’archevêque Étienne de Tournai).
Pour l’Église, les « communia » sont œuvres du diable « accablant les nobles et usurpant les droits d’Église, détruisant la liberté ecclésiastique ».
En conséquence, les villes qui ont le statut d’évêchés ou d’archevêchés deviennent le théâtre d’émeutes parfois meurtrières avant de pouvoir à leur tour s’émanciper.

Parallèlement, les classes sociales défavorisées qui ne bénéficient pas réellement de ce mouvement communal se soulèvent contre les guildes provoquant ainsi une instabilité qui menait parfois à l’intervention des seigneurs et à la perte -temporaire- des privilèges nouvellement acquis.

Les beffrois, symboles de liberté

Malgré ces heurts, les communes libres sont de plus en plus nombreuses et dans le nord de la France ainsi qu’en Belgique, elles reçoivent l’autorisation de construire des beffrois, symboles de leur nouvelle indépendance.
Étymologiquement, le mot beffroi serait issu du vocable « bergfridu » en vieux francique, langue d’origine des Francs saliens . Il signifie littéralement « sauver la paix ».
Le beffroi peut-être comparé au campanile italien dont le plus célèbre est certainement la Tour penchée de Pise.

A l’heure actuelle, le beffroi désigne la tour en pierres ou briques isolée ou intégrée à l’hôtel de ville. Cependant, à l’origine, le terme fait référence à la structure de bois qui se trouve derrière les murs.
En effet, le beffroi est conçu pour abriter des cloches. Or, de simples murs ne peuvent pas supporter leurs vibrations et il est donc indispensable de les isoler avec du bois qui va absorber le son et empêcher la tour de se fissurer.
Cette structure est traditionnellement bâtie en chêne selon un plan en croix. Elle repose sur des petits éléments saillants appelés « corbeaux » situés à la base de la tour mais ne touche pas les murs. En effet, le mouvement de balancier des cloches est tel qu’il fait bouger l’ensemble du beffroi et il faut donc garder une distance suffisante entre le bois et la pierre pour ne pas endommager le mur.

Les fonctions des beffrois

Les cloches du beffroi rythment donc la vie et le travail des habitants de la ville. Elles marquent les heures de la journée alors que les cloches des églises sonnent aux huit heures canoniales pour appeler les fidèles à la prière : les Matines (minuit), les Laudes (aurore), le Prime (lever du soleil ou 6hr), la Tierce (9hr), la Sexte (midi), la None (15hr), les Vêpres (le soir avant le coucher du soleil) et les Complies (le coucher).
Cette différence entre les heures sonnées par le beffroi et celles sonnées dans les églises montre bien la rupture entre le « divin » et le « profane ».

Les cloches du beffroi étaient également actionnées pour convoquer les habitants ou pour donner l’alerte en cas de danger (incendie, invasion, … ). Des vigiles postés au sommet de la tour faisaient alors le guet. Ils habitaient généralement dans un petit logement situé dans le beffroi.

Enfin, c’est dans le beffroi que sont conservés les archives, les chartes et parfois les trésors de la ville. Il pouvait également accueillir les réunions des échevins qui étaient autrefois des magistrats chargés de faire régner l’ordre et de rendre la justice seigneuriale. Certains beffrois ont également servi de prison.

A partir du 14ème siècle, les beffrois sont dotés d’une horloge dont le cadran situé sur une ou plusieurs façades de la tour permettait aux citoyens de voir l’heure à tout moment sans devoir attendre les sonneries des cloches.

Les beffrois français

A l’heure actuelle, 23 beffrois situés dans le nord de la France sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Ils ont rejoint en 2005 les 33 beffrois de Belgique qui avaient bénéficié de ce classement dès 1999. L’ensemble est repris sous la dénomination « Beffrois de Belgique et de France ».
Ces tours ont été construites à différentes époques ce qui explique la grande diversité de styles. Tous ont cependant un point commun, ils ont représenté la prospérité et surtout l’indépendance des communes, une liberté arrachée au clergé ou aux seigneurs. Au fil du temps, ils sont devenus les symboles d’une région.

Notons cependant, que plusieurs beffrois n’ont pas été repris dans cette liste, notamment le beffroi de style néo-flamand de la chambre de commerce de Lille pourtant remarquable. De plus, de nombreuses villes ont perdu leur beffroi, effondré suite aux guerres ou aux ravages du temps et non reconstruit.

Visite de quelques beffrois

Le beffroi de Lille

Le beffroi de Lille construit en 1924 culmine à 104 mètres de haut ce qui en fait le plus haut beffroi civil européen. Il est reconnaissable à ses briques rouges contrastant avec sa structure de béton et à son style Art Déco.
Il est surmonté d’un phare dont la lumière pouvait autrefois s’apercevoir depuis la mer du Nord. Aujourd’hui la puissance lumineuse a été revue à la baisse afin de répondre aux normes actuelles en matière d’économie énergétique et de pollution.
Le beffroi de Lille est accessible au public qui découvre une vue exceptionnelle sur la ville et la campagne avoisinante.

En pratique :

Le beffroi est ouvert tous les jours de 10 à 13hr et de 14 à 17hr30 sauf les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre.
En raison de la centaine de marches à gravir avant d’arriver aux ascenseurs, cette visite n’est pas accessible aux personnes à mobilité réduite.

Le beffroi de Cambrai

Le beffroi de Cambrai est construit en 1447 en style gothique. Il mesure un peu plus de 62 mètres de haut. Plusieurs fois réparés, il a connu quelques réaménagements au fil du temps. C’est ainsi que l’ancienne flèche a été remplacée en 1732 par un dôme couronné d’un lanternon et qu’en 1922, les statues représentants un Franc, un soldat de la milice communale, Louise de Savoie et le premier gouverneur royal de Cambrai, œuvres de Marcel Gaumont, ont été installées aux quatre coins supérieurs de la tour.

Les derniers guetteurs de Cambrai, les Gallus, ont quitté leur poste en 1934.

Malheureusement, l’intérieur du beffroi est inaccessible au public. On peut toutefois admirer ce monument situé à l’angle des rues du Beffroi et du 11 novembre.

Le beffroi gothique de Dunkerque

Le beffroi gothique de Dunkerque érigé en 1440 sert à l’origine de clocher à l’église Saint-Eloi. Les deux édifices sont séparés définitivement en 1782. Ce beffroi accueille aujourd’hui un monument en mémoire des soldats, résistants et civils tombés durant la Première Guerre mondiale. Le clocher abrite un carillon de 48 cloches dont le bourdon baptisé Jean Bart en l’honneur du corsaire dunkerquois pèse sept tonnes.

En pratique :

Le beffroi se visite librement :

  • de 10 à 11hr45 et de 14 à 17hr45 en semaine
  • de 10 à 17hr45 le samedi
  • de 10 à 11hr15 et de 14 à 15hr15 le dimanche et les jours fériés

Le second beffroi de Dunkerque

Le second beffroi de Dunkerque est intégré à l’Hôtel de Ville et domine la place Charles-Valentin depuis le début du 20ème siècle. C’est devant l’hôtel de ville de style néo-flamand que se rassemblent les carnavaleux. Le maire et les membres du conseil leur lancent des harengs fumés, une tradition qui remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

En pratique :

L’Hôtel de Ville de Dunkerque est accessible du lundi au vendredi de 8hr30 à 17hr30 et le samedi de 9hr à 12hr.
Tel : 03 28 59 12 34
Site web : https://www.ville-dunkerque.fr

Le beffroi d’Armentières

L’actuel beffroi de l’Hôtel de Ville d’Armentières également construit en style néo-flamand, en briques et pierre blanche, a été inauguré en 1934. Il remplace le beffroi du 18ème siècle détruit durant la Première Guerre mondiale. Son carillon est composé de onze cloches. Les plus courageux profitent d’une splendide vue sur la ville après avoir gravi les 200 marches qui mènent au sommet de la tour.
Des visites guidées sont organisées d’avril à octobre (attention, les enfants de moins de 6 ans ne sont pas autorisés).

Office de Tourisme de Lille
33 rue de Lille
59280 Armentières
Tel : 03 20 44 18 19
Mail : ot.armentieres@wanadoo.fr
Site web : http://www.armentieres.fr

Le beffroi de Comines

L’actuel beffroi de l’Hôtel de Ville de Comines a été construit dans les années 1920 en remplacement de l’ancien édifice détruit par les Allemands en 1918. Il se caractérise par une tour carrée en briques et pierre blanche de style néo-flamand surmontée d’un bulbe baroque en ardoises constitué de huit pans dont quatre à horloges. Ce bulbe est lui-même couronné de deux lanternes et d’un dernier bulbe supportant une girouette.
Site web : http://www.ville-comines.fr

Le beffroi de Douai

Le beffroi de Douai est construit au 14ème siècle en style gothique à la place d’une ancienne construction en bois. Son carillon remplacé à plusieurs reprises comprend aujourd’hui 62 cloches dont deux grosses cloches du 15ème siècle, la Joyeuse et la Disnée.

En pratique :

Le beffroi se visite en compagnie d’un guide tous les jours sauf le lundi matin, le 25 décembre et le 1er janvier.
La visite dure approximativement 1 heure et débute à 10hr30, 11hr30, 15hr et 16hr30 (17hr30 en juillet et août) à l’Office de Tourisme.

Office de Tourisme de Douai
70 Place d’Armes
59500 Douai
Tel : 03 27 88 26 79
Mail : contact@douaitourisme.fr
Site web : http://www.douaitourisme.fr

Le beffroi d’Arras

Le beffroi d’Arras construit au 15ème siècle en style gothique flamboyant est accolé à l’Hôtel de Ville. L’édifice a souffert pendant la Première Guerre mondiale mais a été reconstruit à l’identique.

Arras bombardé [les restes du beffroi déjà bombardé par les Allemands en octobre 1914] : [photographie de presse] / [Agence Rol] – ©Galica Bibliothèque Nationale de France
La montée au sommet du beffroi se fait par ascenseur mais il faut néanmoins emprunter un escalier de 40 marches ce qui rend la visite difficile pour les personnes à mobilité réduite.

Office de Tourisme d’Arras
Place des Héros (rez-de-chaussée de l’Hôtel de Ville)
Tel : 03 21 51 26 95
Site web : https://www.arras.fr

Le beffroi de Béthune

Le beffroi de Béthune date du 14ème siècle. Tour isolée depuis l’incendie de la Halle aux draps en 1664, elle trône sur la Grand-Place de la ville et sa silhouette caractéristique est devenue le symbole de toute la région puisqu’elle avait été reprise sur le logo de l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais qui a aujourd’hui fusionné avec la Picardie pour donner naissance aux Hauts-de-France.
Des visites guidées d’une durée approximativement d’une heure sont régulièrement organisées. La montée de 133 marches rend le site inaccessible aux personnes à mobilité réduite.

Office de Tourisme de Béthune
3 rue Aristide Briand
62400 Béthune
Tel : 03 21 52 50 00
Site web : https://www.tourisme-bethune-bruay.fr

Le beffroi de Rue

Le beffroi de Rue a l’aspect massif d’un donjon carré. Cette tour haute de 29 mètres remplace le premier beffroi construit au 13ème siècle. Elle a bénéficié de plusieurs restaurations et a été flanquée de deux bâtiments néogothiques.
Le beffroi abrite la salle des gardes autrefois chargés de veiller sur la ville, la salle de réunion des échevins mais également l’ancienne prison de Rue. Il est surmonté d’un chemin de ronde.
Le beffroi se visite en compagnie d’un guide . L’escalier (75 marches) le rend inaccessible aux personnes à mobilité réduite.

Bureau d’information touristique
10 Place Anatole Gosselin
80120 Rue
Tel : 03 22 25 69 94
Mail : contact@rue-baidesomme.com
Site web : https://www.rue-baiedesomme.com

Que manger dans la région ?

Profitez de votre séjour dans les Hauts-de-France, pour savourer quelques spécialités régionales :

  • Les fromages : Maroilles, Vieux-Lille, Boulette d’Avesnes, Mimolette, ….
  • La tarte au sucre fine ou moelleuse selon les envies, à base de cassonade brune et de crème épaisse
  • Le cramique, un pain brioché aux raisins
  • Les Chuques du Nord, des caramels au café emballés dans des papillotes rouges et blanches
  • La carbonnade à la flamande, des morceaux de bœuf mijotés au minimum deux heures dans de la bière en compagnie d’oignons, de carottes et d’une tranche de pain d’épices tartinée de moutarde.
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