Eglise Saint-Menoux - ©Dominique Cohen Creative Commons

La Débredinoire de Saint-Menoux

Vous avez peut-être déjà entendu les anciens parler de « bredins » ou de « berdins » sans savoir vraiment ce que ces termes signifient en réalité.
Dans certaines régions de France, notamment dans le Bourbonnais, un bredin désigne un sot, un étourdi ou un simple d’esprit.
Si vous aussi on vous qualifié de bredin lorsque vous avez commis quelques bévues, nos vous proposons de passer la tête dans la débredinoire de Saint-Menoux.

Nous vous invitons aujourd’hui à découvrir cette petite localité de l’Allier qui doit sa renommée à un surprenant sarcophage en pierre abritant les reliques de son saint patron.

Un peu d’histoire

La préhistoire

L’actuel département de l’Allier connaît une occupation humaine dès le Paléolithique inférieur et de nombreux vestiges attestant la présence de Néandertaliens ont été trouvés dans la région.

La Grotte des Féesdécouverte en 1848 à Châtelperron a donné son nom à la culture du Châtelperronien, une période de transition entre les Paléolithiques moyen et supérieur, entre 38.000 et 32.000 avant notre ère.

L’Antiquité

Les Romains franchissent pour la première fois les Alpes en 122 avant JC. La conquête des Gaules se poursuit en 58 avant notre ère lorsque Jules César souhaitant s’illustrer comme homme de guerre et faire fortune mène ses légions contre les différentes tribus celtes.
En effet, celles-ci se sont installées en Europe de l’ouest au cours du 1er millénaire avant JC et vivent principalement de l’agriculture et de l’élevage même si elles pratiquent déjà le commerce et le travail des métaux.
Le centre de la France est alors partagé entre les Éduens, les Bituriges et les Arvernes qui ont donné leur nom à l’Auvergne.
A l’arrivée des Romains, le peuple arverne se distingue par sa richesse. Habiles artisans, ils produisent des armes, outils et bijoux en travaillant l’or et l’argent, des ressources qui abondent dans la région. Ils sont également réputés pour leur bravoure et leur compétence à la guerre, notamment grâce à la rapidité de leurs cavaliers.
Face aux légions de César, les Arvernes organisent une coalition de peuples celtes menée par Vercingétorix. S’il remporte de belles victoires, le chef arverne est finalement vaincu en 52 avant JC durant le siège d’Alésia, l’un des épisodes les plus meurtriers de la Guerre des Gaules puisque les historiens estiment que plus de 120.000 Gaulois et 50.000 Romains ont trouvé la mort sur ce champ de bataille.

Le christianisme

La tradition chrétienne veut que Marie-Madeleine, une pécheresse convertie par le Christ dont elle devient une fervente disciple, parte de Palestine avec un groupe de chrétiens parmi lesquels se trouvent sa sœur Marthe et son frère Lazare et débarque à Marseille (ou à Sainte-Marie-de-la-Mer). Elle s’installe ensuite dans la grotte de la Sainte-Baume où elle passe le reste de sa vie recluse tandis que ses compagnons sillonnent les routes de Provence afin de répandre la « Bonne nouvelle ».

Si ces disciples de Jésus sont les premiers évangélisateurs arrivés en France, ils sont suivis par de nombreux prêcheurs durant les premiers siècles de notre ère.
Austremoine et son disciple Nectaire sont notamment envoyés en Auvergne par le pape Fabien au 4ème siècle afin d’évangéliser la région. Austremoine fonde l’évêché de Clermont-Ferrand, l’un des plus anciens de France.

Saint-Menulphe

Au 6ème siècle, le nom de Saint Menulphe est mentionné en Bretagne, une région aux nombreux saints locaux.
Menulphe probablement d’origine irlandaise est arrivé en Armorique et plus précisément à Quimper, dans la première moitié du 6ème siècle.
Il entreprend ensuite un pèlerinage à Rome et sa route semble être jalonnée de miracles.
Alors qu’il est sur le chemin du retour, il fait halte dans la petite localité de Mailly-sur-Rose. Ce qui ne devait être qu’une simple étape devient le nouveau lieu de résidence de Menulphe qui apprécie le calme propice à la prière et à la méditation de la bourgade.

Les habitants du village vénèrent cet homme qui fait preuve d’une grande charité envers les plus démunis et qui accomplit, dit-on, de nombreux miracles, guérissant notamment les infirmes, les épileptiques et les aveugles.

Il serait également à l’origine de la fondation légendaire de la petite ville de Couleuvre située à quelques kilomètres de Mailly. En effet, selon les récits populaires, une couleuvre installée dans la fontaine Saint-Martin effrayait les femmes du village venues puiser de l’eau. Elles ont alors demandé à Menulphe de les débarrasser de la bête menaçante.
Celui-ci a placé son bâton dans la fontaine afin de laisser le serpent s’y enroulé. Après l’avoir sorti de l’eau, il le jette au loin en s’exclamant : « Où tu retomberas, Couleuvre seras ». Une église a été fondée à cet emplacement et bientôt un village s’est installé autour de celle-ci… mais ça c’est une autre histoire !

Revenons à Mailly-sur-Rose et à Menulphe qui y poursuit sa vie d’ermite. Un jeune garçon nommé Blaise et considéré comme un simple d’esprit … un bredin … est à cette époque la risée voire le souffre-douleur du village. Lorsque Menulphe vient à son secours et le prend sous son aile, il lui est tellement reconnaissant qu’il ne le quitte plus.
Selon la légende, c’est lui qui déforme le nom de Menulphe en Menoux, plus facile à articuler.

A la mort de « Menoux », Blaise n’accepte pas le départ de son protecteur et passe de longues heures dans le cimetière où il repose. Il prend l’habitude de lui parler après avoir pratiqué un petit trou dans le cercueil.

La fenestella

Prenons un instant pour se rappeler qu’au Moyen-Âge, les tombeaux des saints étaient souvent équipés d’une « fenestella », une petite ouverture qui permettait aux fidèles de voir et parfois de toucher les reliques.
Cette ouverture servait également à sanctifier des linges ou des huiles. Dans la plupart des cas, une paroi mobile servait à fermer la niche qui était de dimensions réduites.
Par extension, la fenestella qui signifie « petite fenêtre » en latin désigne également une petite niche creusée dans le mur du chœur des églises afin d’y abriter un reliquaire.

Le sarcophage

Devant le désarroi de Blaise, le corps de Menoux qui était inhumé dans le cimetière Saint-Germain est transféré dans un imposant sarcophage en pierre qui a la particularité d’être en deux parties. L’une contient la dépouille du saint et la seconde est évidée afin de permettre à Blaise de passer la tête dans une très large fenestella.

Le culte des reliques

A la même époque, une première église est construite à Mailly-sur-Rose qui est rebaptisée Saint-Menoux. C’est donc tout naturellement que le sarcophage est déposé dans cet édifice afin de permettre aux fidèles de vénérer ses reliques.
Il faut en effet rappeler qu’à l’époque médiévale, les chrétiens dotent les reliques des femmes et des hommes vertueux de pouvoirs généralement de guérison. C’est pour cette raison que les pèlerins parcourent parfois de longues distances afin de se recueillir devant les dépouilles de leurs saints préférés. Les miracles font alors partie de la vie quotidienne.

Les corps enfermés dans des cercueils en pierre sont installés généralement dans la crypte située sous l’autel des églises. La configuration en sous-sol de la crypte permet aux fidèles d’être en contact avec le défunt tout en dressant une barrière entre le monde des vivants et des morts. Selon l’importance du saint, des chapelles et des couloirs de déambulation sont construits autour de la crypte afin d’accueillir un plus grand nombre de pèlerins.
Certains hauts personnages, généralement des seigneurs, reçoivent l’autorisation du clergé d’être enterrés dans la crypte ce qui aurait été un gage pour gagner le Paradis.

La débredinoire de Saint-Menoux

Revenons une fois encore à Saint-Menoux pour y retrouver Blaise, le bredin. Lorsque son mentor est installé dans son sarcophage, il passe beaucoup de temps à ses côtés, la tête posée dans la large fenestella. Et le miracle ne se fait pas attendre. Voilà que le benêt qui parvient tout au plus à bredouiller quelques mots devient un homme brillant doté d’une intelligence stupéfiante.
La nouvelle se répand à toute allure et un grand nombre de croyants viennent en compagnie de leurs proches souffrant de maladies mentales afin de les « débrediner ».

Aujourd’hui encore, de nombreuses personnes passent la tête dans la débredinoire dans l’espoir de se débarrasser de migraines voire de troubles mentaux. Des ex-voto disposés à côté du sarcophage de Saint-Menoux témoignent des « guérisons » accomplies dans ce lieu.

Si l’envie vous prend de tenter l’aventure et de vous sentir plus intelligent en sortant de l’église qu’en y entrant, prenez garde !
A certaines heures du jour ou si vous touchez les bords de la débredinoire, vous récupérerez tous les maux déposés par les bredins qui vous ont précédés !

La visite

L’église abbatiale de Saint-Menoux

Lorsque la petite ville auvergnate devient un important lieu de pèlerinage, elle profite du flot de visiteurs pour se développer.
Parallèlement, des bâtiments conventuels sont construits afin d’accueillir une communauté religieuse chargée d’accueillir les pèlerins. Il est probable qu’un premier monastère d’hommes est fondé à Mailly-sur-Rose peu après le décès de Ménulphe. Il est remplacé au début du 11ème siècle par une abbaye bénédictine de femmes. C’est à cette époque que ses reliques sont relevées par un archevêque ce qui équivaut à leur authentification et à la confirmation de leur sainteté.

Mailly-sur-Rose devient Saint-Menoux en 1085. Le bourg accueille alors non seulement de nombreux pèlerins mais également des marchands attirés par la notoriété de ses foires organisées cinq fois par an.

Saint-Menoux connaît une longue période de prospérité et son abbaye entièrement réaménagée en style gothique flamboyant au 15ème siècle accueille régulièrement des hauts personnages qui font étape dans le Bourbonnais. C’est ainsi que Marie de Médicis et son fils, le roi Charles IX, y logent une nuit de décembre 1565 et que la favorite de Louis XIV, Madame de Montespan la visite en mai 1700 alors qu’elle est en cure à Bourbon-l’Archambault.

L’engouement s’éteint progressivement au 18ème siècle et la Révolution marque l’arrêt de mort de l’abbaye qui est pillée et dévastée en 1793. Seuls quelques bâtiments transformés pour un usage agricole et l’église échappent à la destruction. Le village retrouve temporairement son ancien nom de Mailly-sur-Rose.
Cet épisode est d’autant plus tragique que c’est l’ancien curé de la paroisse qui s’acharne sur l’édifice, décapitant les statues, lacérant les tableaux, grattant les bas-reliefs et arrachant les croix comme s’il accomplit une vengeance personnelle. De son côté, le maire n’hésite pas à profaner les sépultures des abbesses afin de récupérer et de vendre le plomb des cercueils. Cet acte est sévèrement condamné et le maire doit abandonner sa charge.

Aujourd’hui, seule l’église abbatiale nous rappelle que Saint-Menoux a été un important centre religieux pendant plus de 1.000 ans. Le narthex (partie précédant la nef) date du 10ème siècle tandis que le reste de l’édifice a été bâti aux 12ème et 13ème siècles.
L’église est dominée par une tour-clocher de 30 mètres de haut qui lui donne sa silhouette reconnaissable. Mais ce qui attire le plus les visiteurs est bien entendu le sarcophage contenant les reliques du saint et sa célèbre débredinoire.

En pratique :

L’église Saint-Menoux est ouverte tous les jours de 9hr à 17hr en hiver et de 9hr à 19hr le reste de l’année.

Église Saint-Menoux
Le Bourg
03210 Saint-Menoux
Tel : 04 70 43 92 28
Mail : mairie.st-menoux@wanadoo.fr

En vous promenant dans le bourg, arrêtez vous quelques instants afin d’admirer le splendide tympan sculpté de la porte de la Maison des Vertus Cardinales. La maison a été construite en 1694 et appartenait probablement à l’abbaye bénédictine.

Maison des Vertus Cardinales
1 Impasse de la Poste
03210 Saint-Menoux

Découvrir la région

Nous vous proposons de profiter de votre séjour à Saint-Menoux pour découvrir quelques autres sites chargés d’histoire.

Le Château de Souys

Le Château de Souys construit au 17ème siècle est conçu selon les plans de l’architecte de Louis XIV, Jules Hardouin-Mansart peut-être pour Madame de Montespan qui y réside lorsqu’elle prend les eaux dans le Bourbonnais. Longtemps résidence privée, le château appartient aujourd’hui à la commune de Bobigny qui l’a transformé en centre de vacances pour enfants. L’intérieur du château ne se visite pas mais vous pouvez découvrir l’imposante bâtisse recouverte de toits en ardoise et ses dépendances entourant la cour d’honneur.

Le Château de Clusors

Le Château de Clusors domine une colline située face à Saint-Menoux. Cette ancienne forteresse du 14ème siècle était incluse dans le système de défense de Bourbon-l’Archambault. Elle est passée de mains en mains jusqu’en 1844 lorsque Louis Charles Dubost, notaire de la cour, achète la propriété. Ses descendants ont aménagé la bâtisse en combinant le charme de l’ancien et le confort moderne afin de proposer des chambres d’hôtes depuis 2011.

Château de Clusors
03210 Saint-Menoux
Tel 04 70 43 94 69 ou 06 70 79 27 75 ou 06 30 42 48 01
Mail : henri.thieulin@orange.fr
Site web : http://www.chateaudeclusors.com

Que manger dans la région ?

Votre séjour dans l’Allier vous donne également l’occasion de découvrir quelques spécialités régionales du Bourbonnais :

  • Le pâté de pommes de terre était autrefois un plat familial à base de pâte à pain farcie de pommes de terre et de crème fraîche. Il est aujourd’hui servi en entrée ou en plat principal en compagnie d’une salade et de lardons ou de jambon cru.
  • Le piquenchâgne, un gâteau à pâte briochée ou feuilletée aux pommes ou aux poires macérées dans du sucre, du vin blanc ou du rhum et de la crème.
  • La gouère bourbonnaise, une tarte salée à la purée de pommes de terre et au fromage blanc fourrée de pruneaux ou de pommes.
  • Le poulet du Bourbonnais à la moutarde, aux cèpes ou au Saint-Pourçain
  • Le chambérat, un fromage au lait de vache à la fine croûte couleur saumon. Il est parfois utilisé pour préparer la troufflaille bourbonnaise, une tarte salée aux pommes de terre, lardons et crème.
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