Musée d'Orsay, Paris - ©Keewego CC0 Creative Commons

De Gare à Musée, découvrez le destin du Musée d’Orsay

Parmi les nombreux musées de la ville de Paris, celui d’Orsay abrite l’une des plus remarquables collections d’œuvres d’art d’ Europe. On peut y admirer des tableaux de grands maîtres tels que Degas, Manet ou Cézanne mais également de nombreuses expositions temporaires.

Aujourd’hui nous vous proposons de découvrir l’histoire de ce bâtiment extraordinaire, une ancienne gare transformée pour accueillir les chefs d’œuvre de l’art occidental de la seconde moitié du 19ème siècle et du début du 20ème.

Un peu d’histoire

La construction du Palais d’Orsay

Nous sommes au début du 19ème siècle, plus exactement le 4 avril 1810, lorsque la première pierre du Palais d’Orsay est posée au bord de la Seine, dans le 7ème arrondissement de Paris.
C’est l’époque du Premier Empire, Napoléon Bonaparte est en effet devenu Empereur des Français en 1804.
Les plans de ce vaste bâtiment destiné à abriter les services administratifs du Ministère des Affaires étrangères sont réalisés par Jacques-Charles Bonnard, un architecte qui a déjà à son actif la restauration du Palais des Tuileries.
Cependant, dès 1812, Napoléon 1er essuie ses premiers revers et les défaites voire la déroute de ses troupes en Espagne et surtout en Russie affaiblissent énormément son armée et sa puissance.
Sentant le vent tourner, la Prusse et l’Autriche, ses anciens alliés retournent leur veste et envahissent la France ce qui va mener à l’abdication de Bonaparte en avril 1814.
Cette période appelée Première Restauration permet à Louis XVIII, petit-fils de Louis XV, de monter brièvement sur le trône.
Elle prend fin l’année suivante lorsque Napoléon s’échappe de l’île d’Elbe où il a été exilé et mène la campagne des « Cent Jours ». La défaite face aux Anglais à Waterloo anéantit cependant tous ses espoirs de reprendre sa place à la tête du pays.
Louis XVIII retrouve la couronne momentanément abandonnée (seconde Restauration) et son frère Charles X lui succède en 1824. Enfin, après l’abdication de Charles X, Louis-Philippe 1er souvent considéré comme un usurpateur devient le dernier roi de France et règne jusqu’en 1848, année d’une nouvelle révolution et instauration de la Deuxième République.

Pendant une grande partie de cette période d’instabilité politique, le chantier du Palais d’Orsay est à l’arrêt. Des fonds sont finalement débloqués pour terminer la construction du bâtiment en 1833 sous la direction de Jacques Lacornée, un élève de Jacques-Charles Bonnard décédé en 1818.

Enfin achevé, le Palais accueille entre ses murs le Conseil d’Étaten 1840 et la Cour des Comptesen 1842. Ces deux services occupent respectivement le rez-de-chaussée et le premier étage du bâtiment.

La Commune de Paris

La Commune de Paris 1871. – Grand Panorama 26 rue de Bondy – ©Gallica, Bibliothèque Nationale de France

Nous sommes en 1852 lorsque le neveu de Napoléon Bonaparte élu président de la République française depuis une dizaine d’années modifie la Constitution afin de pouvoir prolonger son mandat. Il dissout ensuite la seconde République et devient, sous le nom de Napoléon III, l’unique souverain du Second Empirequi prend fin en 1870 avec la défaite de la France contre la Prusse.

Louis-Jules Trochu préside le gouvernement provisoire avant de céder la place à Adolphe Thiers qui inaugure ainsi la Troisième République. Afin de conclure la paix avec le royaume de Prusse et de mettre un terme au siège de Paris qui a débuté le 17 septembre 1870, Thiers capitule et obtient un cessez-le-feu, le 26 janvier 1871, quelques jours après la proclamation de l’Empire allemand dans la Galerie des Glaces de Versailles.
Pour arriver à un accord, il a concédé une occupation des Champs-Élysées aux troupes allemandes, occupation qui bien que symbolique déplaît aux Parisiens.
La colère gronde et, le 18 mars, une véritable insurrection contre le gouvernement de Thiers s’organise.

Cet épisode nommé « Commune de Paris » dure un peu plus de deux mois. Durant cette courte période, les Communards, principalement des ouvriers et des artisans, nomment un Conseil qui s’empresse d’éditer son programme politique :

(…) C’est la fin du vieux monde gouvernemental et clérical, du militarisme, du fonctionnarisme, de l’exploitation, de l’agiotage, des monopoles, des privilèges, auxquels le prolétariat doit son servage, la Patrie ses malheurs et ses désastres. (…)

Ils prennent de nombreuses mesures dans l’urgence, effaçant ou accordant des délais de paiement pour les dettes ou les loyers impayés, versant des pensions aux veuves, orphelins et blessés de guerre, créant des institutions afin d’accueillir les orphelins de Paris, distribuant des repas, …

D’autres décisions plus symboliques sont également prises comme l’adoption d’un nouveau drapeau, le retour au calendrier républicain qui avait déjà été utilisé de 1792 à 1806 ou la destruction de certains bâtiments, notamment la colonne Vendôme élevée sur la place éponyme en 1810 afin de commémorer la victoire de Napoléon à Austerlitz.

Le Palais d’Orsay est également victime de la rage des insurgés. Il est ravagé par les flammes dans la nuit du 23 au 24 mai 1871, c’est à dire durant la tristement célèbre « Semaine sanglante ».
En effet, du 21 au 28 mai, les troupes républicaines appelées « troupes versaillaises » franchissent les barricades et prennent rapidement le dessus en raison de la désorganisation et du peu d’entraînement des révolutionnaires. Beaucoup d’entre eux y compris des femmes et des enfants sont exécutés sommairement.
Face à cette déroute, les Communards mettent le feu à de nombreux immeubles privés ou publics après en avoir ordonné l’évacuation. Peine perdue, ils sont bientôt submergés. Acculés, ils prennent des otages et fusillent des personnes soupçonnées de favoriser les « Versaillais ».
La dernière barricade défendue par les Communards située faubourg du Temple tombe le dimanche 28 mai.
On estime que la Commune de Paris a fait entre 10.000 et 30.000 morts parmi les Communards , tués au combat ou plus tard dans les camps d’internement et en déportation, et un petit millier du côté des Versaillais.

La gare d’Orsay

Gare d’Orsay, 1923 – ©Gallica Bibliothèque Nationale de France, Photographie de presse / Agence Rol

Le Palais d’Orsay détruit, les services administratifs qui s’y trouvaient sont transférés au Palais-Royal. Un projet de reconstruction est un moment envisagé mais rapidement abandonné.

La Compagnie du Chemin de fer de Paris à Orléans se porte acquéreur des terrains situés à l’emplacement de l’ancien immeuble.
Cette compagnie fondée en 1838 exploite la ligne à partir de 1840 même si elle n’atteint Orléans que trois ans plus tard. Au fil des années, elle rachète plusieurs autres lignes reliant la capitale à de grandes villes françaises, notamment Bordeaux et Clermont-Ferrand.

En 1898, la compagnie entreprend de raser les dernières ruines du Palais d’Orsay dans le but d’y construire une nouvelle gare terminus capable d’accueillir au cœur de la capitale une partie du flot de voyageurs attirés par la prochaine exposition universelle.
En effet près de 5 millions de visiteurs se rendront à Paris entre le 14 avril et le 12 novembre 1900 pour découvrir cette expo organisée sur le thème « Bilan d’un siècle ».
Une grande partie de ces curieux venus assister à cet événement arrivent à Paris en train. Il faut donc réaménager les infrastructures afin de les accueillir dans les meilleures conditions.
Les gares existantes de Montparnasse, d’Austerlitz, de l’Est et de Lyon sont modernisées, la gare du Champ de Mars est démolie et reconstruite en plus grand et enfin la gare d’Orsay sort de terre.
Cette station chargée d’accueillir des personnalités françaises mais également étrangères se doit d’être la vitrine du savoir-faire et de l’art de vivre à la française.
L’architecte Victor Laloux qui a déjà réalisé la gare de Tours est choisi pour dessiner les plans de cette nouvelle gare. Il lui imprime le style Belle Époque caractérisé par l’utilisation du métal et du verre tout en conservant un parement de façade en pierre plus classique. Des statues représentant Bordeaux, Toulouse et Nantes, les trois principales villes desservies par la Compagnie sont installées face à la Seine. Le côté esthétique de la gare est privilégié afin de ne pas enlaidir les quais situés sur la rive gauche du fleuve.

Cette gare si majestueuse et magnifiquement décorée est dotée d’un équipement moderne, notamment des tapis roulants pour acheminer les valises et des ascenseurs pour les voyageurs.
Dix quais longs de 175 à 240 mètres accueillent les locomotives électriques « BB 1280 E1 à E8 » qui circulent en grande partie sous terre, entre les gares d’Austerlitz et d’Orsay. Leur forme atypique leur offre leur surnom de « boîtes à sel ». Les locomotives à vapeur sont donc remplacées par les machines électriques en gare d’Austerlitz afin d’acheminer les voyageurs au plus près de l’événement.

Locomotive électrique, Orsay : 1926 – ©Gallica Bibliothèque Nationale de France, Agence Rol. Agence photographique

Enfin, un luxueux hôtel de 370 chambres appelé « Terminus » est construit à côté de la gare non seulement dans le but d’accueillir les voyageurs mais également de mettre sa salle de fêtes et de réunions, son immense salle à manger et son fumoir à la disposition des associations ou partis politiques.

Le déclin de la gare

Très peu de temps après l’exposition, la gare d’Orsay montre déjà ses limites. Les quais sont trop courts et l’infrastructure ne répond plus au trafic de plus en plus intense de la ligne. On envisage un temps de prolonger les quais, de transformer le grand hall en gare d’autobus voire d’en faire une piscine mais ces idées sont vite abandonnées.

A partir de 1939, les grandes lignes sont toutes déviées vers la gare d’Austerlitz et la gare d’Orsay devient le terminus des trains de banlieue.
Durant la Seconde Guerre mondiale elle sert également de salle de triage pour les colis envoyés aux soldats déportés en Allemagne tandis que l’hôtel est réquisitionné par les occupants. Elle est également utilisée pour assurer le transit des prisonniers de guerre revenant des camps allemands après la Libération.

A partir de cette époque, la gare n’est plus jamais utilisée dans sa fonction initiale. Elle sert de voies de garage pour les rames dont on ne se sert pas et sort parfois de l’oubli pour abriter, par exemple, les bulletins de vote lors du référendum de 1946.
En hiver 1954, l’abbé Pierre lance un appel au secours en faveur des sans-abris qui meurent chaque nuit dans les rues de Paris. L’afflux des dons de vivres et de couvertures est tel que la gare d’Orsay est ouverte et sert d’entrepôt provisoire aux chiffonniers d’Emmaüs.
Elle sert également ponctuellement de décor de films
Dans les années 1970, elle abrite la compagnie théâtrale de Jean-Louis Barrault et devient le « Théâtre d’Orsay ». Parallèlement, elle accueille les ventes aux enchères Drouot pendant la rénovation de leur Hôtel.
En 1973, l’hôtel Terminus ferme également ses portes.

Une mort programmée

Dès 1961, la démolition de la gare d’Orsay semble inévitable et un appel aux projets est lancé afin de construire à sa place un vaste complexe hôtelier. Huit propositions sont déposées dont celle de l’architecte Le Corbusier qui propose un bâtiment de 34 étages pouvant accueillir plus de 1.000 chambres ou encore de la tour avant-gardiste de Faugeron.
Devant la démesure des différents plans, les ambitions sont revues à la baisse et le projet retenu est celui des architectes Guillaume Gillet et René Coulon qui envisagent la construction d’un immeuble de cinq étages en forme de parallélépipède.
En 1970, la démolition de la gare est planifiée.

Le musée

Ce projet rencontre cependant une vive opposition et le bâtiment est sauvé in extremis de ce cruel destin, un sauvetage dont n’ont malheureusement pas bénéficié les Halles de Paris démolies entre 1971 et 1973.

En 1974, Valéry Giscard d’Estaing devient Président de la République. C’est sur son initiative que l’ancienne gare d’Orsay classée dorénavant sur la liste des Monuments Historiques est transformée en musée du 19ème siècle.
Un nouvel appel à projets est lancé et c’est l’agence ACT Architecture qui remporte le concours en proposant la conservation du bâtiment d’origine et l’aménagement de l’entrée du côté de l’ancien hôtel.
L’inauguration du musée par le président François Mitterrand a lieu le 1er décembre 1986.

La visite

Les collections qui ont pris place au Musée d’Orsay proviennent essentiellement des réserves des musées du Louvre, du Jeu de Paume et d’Art Moderne du Centre Pompidou.

Infos pratiques :

Le Musée d’Orsay est ouvert tous les jours sauf le lundi, le 1er mai et le 25 décembre de 9hr30 et 18hr (nocturnes jusqu’à 21hr45 le jeudi).
Le musée prête des fauteuils roulants, des sièges pliants et des poussettes afin d’offrir à tous une visite dans les meilleures conditions. Toutes les salles permanentes et temporaires sont accessibles aux personnes à mobilité réduite (ascenseurs et rampes).
Des audioguides disponibles en de nombreuses langues permettent de découvrir les œuvres faisant partie des collections permanentes mais également une sélection des œuvres proposées lors des expositions.

Il est possible de se restaurer sur place :

  • Dans le magnifique décor de l’ancien restaurant de l’hôtel qui ouvre ses portes du mardi au dimanche de 11hr45 à 17hr30 (jeudi de 11hr45 à 14hr45 et de 19 à 21hr30). Possibilité de privatiser la salle sur demande).
    Réservation au 01 45 49 47 03 ou par email : commercial.orsay@musiam-paris.com
  • Au Café Campana qui accueille les visiteurs dans un décor « onirico-aquatique » inspiré par le style Art Nouveau du mardi au dimanche de 10hr30 à 17hr et le jeudi de 11 à 21hr.
  • Au Café de l’Ours qui propose sandwichs, pâtisseries, glaces et salades du mardi au dimanche de 9hr30 à 16hr45 et le jeudi de 9hr30 à 19hr45.

Musée d’Orsay
entrée du musée : 1 rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris
adresse postale : 62 rue de Lille, 75343 Paris
Tel : 01 40 49 48 14
Site web : https://www.musee-orsay.fr

Que visiter dans les alentours ?

Profitez de votre passage dans le 7ème arrondissement de Paris pour visiter quelques-uns des autres monuments qui font partie de son patrimoine historique et architectural :

  • la Tour Eiffel
  • le Champ-de-Mars
  • les Invalides
  • le Musée des arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques situé au quai Branly
  • le musée consacré au sculpteur Auguste Rodin.
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