Les grands Magasins, Galerie Lafayette, Paris - ©Christian Aimone FlickR Creative Commons

L’essor des grands magasins

Le commerce est l’un des principaux vecteurs économiques des sociétés depuis la préhistoire. Du troc aux achats en ligne, les pratiques commerciales ont bien entendu évolué au fil des siècles mais reposent toujours sur le principe de l’échange.

Au 19ème siècle, les pratiques commerciales sont bouleversées par l’avènement des grands magasins au détriment des petites boutiques.

Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir l’épopée des temples du commerce de Paris, une aventure si bien décrite par Émile Zola dans ses romans Pot-Bouille et Au Bonheur des Dames, deux romans qui font partie de la série des Rougon-Macquart.

Un peu d’histoire

A l’époque néolithique, les hommes autrefois nomades se sédentarisent peu à peu. Ils ont en effet découvert l’agriculture et ne doivent plus se déplacer pour trouver leur nourriture.
Ils construisent les premiers villages et la société se hiérarchise avec l’apparition des classes sociales et de la répartition des tâches. Les agriculteurs fournissent la nourriture tandis que les artisans se consacrent au travail du fer et à la poterie.
Cette organisation basée sur le troc est à l’origine du développement du commerce. Les échanges dépassent rapidement les limites du village et, dès le 4ème millénaire avant notre ère, les hommes produisent des outils ou armes en quantité dans des ateliers et les échangent contre d’autres objets ou des matières premières introuvables sur place.
L’apparition de la monnaie durant le 1er millénaire avant JC accélère encore le développement du commerce et des exportations.

Parallèlement les artisans ouvrent des boutiques afin d’écouler leurs marchandises à un niveau local. Les fouilles de Pompéi, ville romaine ensevelie en 79 avant JC suite à l’éruption du Vésuve, nous donnent une idée précise de la vie quotidienne de ses habitants, notamment des artisans et marchands. Du thermopolium (restaurant fast-food de l’époque) à la boulangerie en passant par la tannerie, la cordonnerie, la forge, la poissonnerie ou la parfumerie, les boutiques sont nombreuses et variées.

Ces petits commerces de proximité subsistent avec plus ou moins de bonheur au fil des siècles. Il suffit de se promener dans les ruelles des anciennes cités médiévales comme Sarlat-la-Canéda ou Pérouges pour se rendre compte que les boutiques sont omniprésentes.
Parallèlement, les grandes foires annuelles participent au développement des villes implantées le long des routes commerciales ou de pèlerinage.

Des échoppes aux grands magasins

A la fin du 18ème siècle, les boutiques sont nombreuses à Paris. Chacune d’entre elles vend un seul type de produits ce qui explique la multiplication des enseignes de mercerie, de papeterie, de maroquinerie, de confiserie, de tissus, de confection, …
La transformation de la capitale voulue par Napoléon III au siècle suivant bouleverse les habitudes de consommation des Parisiens. Les petites échoppes cèdent la place aux immenses magasins qui englobent des quartiers entiers et proposent des articles diversifiés à la clientèle.

Au Tapis Rouge

Au Tapis Rouge. Maison Fleck frères, gd magasins de nouveautés et de vêtements …, Paris 54 rue du Chateau d’Eau, 65 et 67 rue du Faubourg St Martin – ©Gallica, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, BnF, Est. ENT DO-1 (HUYOT, Etienne)-FT 6

Nous sommes en 1794, au lendemain de la Révolution, lorsque deux frères, Émile et Alphonse Fleck, ouvrent avec l’aide d’un entrepreneur un vaste magasin, « Au Tapis Rouge », dans la rue du Faubourg Saint-Martin.
Notons que le terme « magasin » bien que connu dès le 14ème siècle n’est utilisé qu’à partir du début du 19ème siècle pour désigner ces vastes immeubles proposant un large choix d’articles à la clientèle. Il dérive du mot arabe « makhazin » signifiant entrepôt ou dépôt.

Les frères Fleck aux idées avant-gardistes rompent avec la tradition des petites boutiques. L’immeuble imposant propose des « nouveautés » venues des quatre coins du monde et les clients déambulent dans les trois étages du magasin éclairé par d’immenses verrières.
Pour la première fois, les Parisiens trouvent réunis sous un même toit une grande diversité d’articles, tissus, dentelles mais également du prêt-à-porter, le tout proposé à des prix plus que raisonnables.
Ce bâtiment attirant une foule toujours plus nombreuse et surtout issue de toutes les classes sociales a inspiré le «Bonheur des Dames» d’Émile Zola.

Le magasin fait partie des nombreux immeubles administratifs et civils détruits par les insurgés durant la Commune de Paris de 1871. Loin de se laisser abattre, les Fleck le reconstruisent quelques mois plus tard, plus grand et plus beau. Ils y accueillent des artisans qui travaillent devant les clients et lancent même un service de vente par correspondance.

1ère communion… Au Tapis rouge, 65 & 67 rue du Faubourg St Martin, Paris – ©Gallica, Bibliothèque nationale de France, BnF, Est. ENT LI-1-FT 6

A l’aube du 20ème siècle, le Tapis Rouge ne parvient plus à rivaliser avec les nouveaux grands magasins de la capitale. Il change plusieurs fois de destination et devient tour à tour un magasin de meubles sous le nom de « La Compagnie Générale de l’Ameublement », un point de vente des phonographes et appareils de projection « Pathé », une boutique de jouets de la marque « Berne », une manufacture de maille appelée « La Chaumière aux Tricots ».
Depuis 1990, l’Espace Tapis Rouge totalement réaménagé est devenu un centre de congrès proposant notamment la location de salles de réception pour différents événements, des séminaires aux soirées de gala.

Le Bon Marché

Le Bon Marché ouvre ses portes en 1838, au coin des rues du Sèvre et du Bac. Il s’agit à cette époque d’une boutique de bonne taille vendant principalement des articles de mercerie et des tissus appartenant aux frères Paul et Justin Videau. Une douzaine d’employés sont engagés pour s’occuper des quatre rayons du magasin.

A la même époque, Aristide Boucicaut, un jeune homme originaire de Bellême, une petite localité de l’Orne, travaille comme vendeur au rayon châles dans le magasin de nouveautés « Au Petit Saint-Thomas » situé rue du Bac et appartenant à Charles Legentil.
Arisitide se fait rapidement remarquer et obtient du galon en devenant chef de rayon. Il rencontre en 1835 Marguerite Guérin, une jeune bourguignonne qui tient un « bouillon », petit bistrot qui propose un plat du jour à petit prix aux ouvriers et employés travaillant dans le quartier. Ils vivent ensemble pendant plusieurs années avant de se marier en 1848, neuf ans après la naissance de leur fils Anthony-Aristide.

Entre-temps, le magasin Au Petit Saint Thomas ferme ses portes et Arisitide se retrouve sans emploi. Il propose ses services aux frères Videau et est engagé dans leur mercerie.

Très vite, Arisitide Boucicaut impose ses idées qui bouleversent tous les codes du commerce de l’époque. Un vent de modernité souffle sur le « Bon Marché ». C’est ainsi que les clients entrent et sortent librement du magasin, sont séduits par des prix à faible marge bénéficiaire voire vendus à perte pendant la période de soldes.
Alors que les petits boutiquiers achètent au jour le jour leurs articles à des intermédiaires afin de ne pas avoir de stocks trop importants, Arisitide Boucicaut fait venir les marchandises en grande quantité et va même négocier lui-même les prix avec les producteurs ce qui permet de les proposer à prix bas à la clientèle.
Il séduit ses clientes en leur promettant de reprendre les articles si elles n’en sont pas satisfaites, une idée de génie puisqu’elle permet d’acheter sans compter et surtout sans remords puisque tout peut être remboursé sur simple demande. En réalité seul un très faible pourcentage des articles achetés sont ramenés en magasin.

Le succès dépasse les espérances les plus folles, le Bon Marché ne désemplit pas. Les frères Videau acceptent de s’associer à Aristide et Marguerite Boucicaut en 1852. L’année suivante, ils fondent une Société en Nom Collectif, la « Videau frères et Aristide Boucicaut », société commerciale destinée à l’exploitation de la maison de nouveautés « Au Bon Marché » sise 22-24 rue de Sèvres. Selon ses statuts, tous les bénéfices sont réinvestis afin d’assurer son fonctionnement.

L’imagination de Boucicaut n’a pas de limite. Il transforme le Bon Marché en un lieu convivial pour que les clientes se sentent chez elle. Afin de mieux les surprendre et les séduire, il change les décors, les thèmes, les rayons de place. Les Parisiennes se perdent avec délice dans les rayons de leur magasin…. il crée le besoin. Les femmes venues acheter une paire de gants ressortent les bras chargés de paquets quand elles ne les font pas livrer chez elles.

Au Bon Marché… Lundi grande mise en vente de Blanc Toiles Trousseau linge confectionné : [affiche] / [Georges Meunier] – ©Gallica, Bibliothèque nationale de France, ENT DN-1 (MEUNIER,Georges/4)-ROUL
Parmi les nombreuses innovations imaginées par Aristide Boucicaut notons également l’installation de toilettes pour les clientes et de salons pour leurs époux, l’envoi de catalogues comprenant des échantillons de tissus ou encore les distributions de chromos, petites images en couleurs, aux enfants.
Au Bon Marché. Maison A. Boucicaut. Paris. Jouets. Etrennes : [affiche] / [M. Auzolle] – ©Gallica, Bibliothèque nationale de France, ENT DN-1 (AUZOLLE,Maurice)-GRAND ROUL
Si l’homme d’affaires fait tout pour séduire ses clientes qui passent souvent plusieurs heures dans son magasin, il n’en oublie pas ses employés qui bénéficient de nombreux avantages comme un jour de congé payé par semaine, une caisse de retraite et de prévoyance, des repas gratuits distribués dans le réfectoire et même des soirées du personnel. En revanche, les vendeurs doivent se plier aux exigences de la clientèle sous peine de renvoi immédiat.

En 1863, Boucicaut emprunte de l’argent afin d’acheter les parts de la société détenues par les frères Videau pour la somme d’1,5 million de francs.

Il achète également les terrains voisins afin d’agrandir encore le Bon Marché mais la guerre de 1870 contre la Prusse freine son projet qui ne voit le jour qu’en 1887.
A cette époque, le magasin couvre une surface de 52.800 m² entièrement dédiées à la vente mais Aristide Boucicaut n’est plus là pour le voir puisqu’il est décédé dix ans plus tôt, deux ans avant son fils, mort sans enfant.
C’est Marguerite Boucicaut qui s’occupe dès lors de la gestion du Bon Marché. L’immense fortune amassée par les Boucicaut est léguée en 1887 à de nombreuses œuvres humanitaires dont l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, à des musées et aux cultes.
Marguerite n’a cependant pas oublié ses employés qui bénéficient de legs plus ou moins importants selon leur ancienneté et leur fonction. Elle a également laissé une importante somme d’argent afin de fonder l’ « Hôpital Boucicaut » situé rue de la Convention et transformé aujourd’hui en éco-quartier.

Le décès de Marguerite Boucicaut n’a pas de répercussion sur le Bon Marché. En effet, la veuve avait transformé l’entreprise en « Société civile du Bon Marché » s’associant avec les cadres du magasin et permettant aux employés de devenir actionnaires.

Le grand magasin continue à s’agrandir et bénéficie notamment du développement du réseau ferroviaire ce qui permet aux provinciales de faire leurs emplettes à Paris. Dans les années 1910, de nouveaux projets sont concrétisés avec l’ouverture de l’Hôtel Lutetia, un palace de style Art Nouveau destiné principalement à la clientèle de province et la construction d’un bâtiment art déco réservé aux articles pour la maison. A l’heure actuelle, cet immeuble accueille « La Grande Épicerie ».
Les rayons et services se multiplient et la clientèle peut dorénavant acheter des articles de ménage, prendre le thé, se faire coiffer et même réserver une excursion en autocar sans quitter le magasin.

Dans les années 1950, la société doit faire face à d’importants problèmes financiers, pour la première fois depuis la fondation du magasin. La situation se dégrade rapidement en raison de l’ouverture des hypermarchés et la réduction progressive du nombre de ventes par correspondance.
La société change plusieurs fois de mains avant d’être intégrée au groupe LVMH en 1984.
Aujourd’hui, Le Bon Marché est devenu un grand magasin de luxe mais à caractère convivial qui crée toujours l’événement à Paris. La Grande Épicerie est devenue le plus important magasin d’alimentation de la capitale et a même ouvert une seconde enseigne, La Grande Épicerie Rive Droite, rue de Passy en 2017.

Les Grands Magasins du Louvre

14 juillet 1919, foule place du Palais Royal, les Grands magasins du Louvre décorés et illuminés : [photographie de presse] / [Agence Rol] – ©Gallica, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-13 (658)
Nous sommes au milieu du 19ème siècle et le Baron Haussmann a commencé à transformer Paris. Il a notamment rasé les quartiers peu reluisants jouxtant l’ancien Palais du Louvre transformé en musée au 18ème siècle afin de laisser la place à de grandes artères bordées d’immeubles cossus.
Napoléon III qui est à l’origine de cette métamorphose veut redorer le blason de sa capitale qui avait pris du retard sur les grandes villes européennes en ce qui concerne la modernisation.
Afin d’attirer les regards sur Paris, des expositions universelles sont organisées. Mais pour accueillir ce flot de visiteurs et surtout les importantes personnalités, il faut bâtir des hôtels de luxe.

C’est ainsi qu’en 1855, le Grand Hôtel du Louvre ouvre ses portes. Les 700 chambres offrent un confort optimal aux voyageurs qui bénéficient également de nombreux services dont la plupart sont inédits comme la mise à la disposition d’interprètes ou le voiturage entre les gares et l’hôtel.
Le rez-de-chaussée du palace est occupé par un magasin de vêtements, « Les galeries du Louvre » proposant des articles de luxe. Les galeries connaissent un tel succès que leurs propriétaires achètent l’immeuble en 1880. L’hôtel tout entier est transformé en « Grands Magasins du Louvre » comprenant cinquante-deux départements différents afin de permettre aux clients de faire tous leurs achats en un seul lieu.

Le changement de destination du bâtiment ne marque cependant pas la fermeture de l’Hôtel du Louvre qui s’installe en 1887 dans un bâtiment de style haussmannien, à l’angle de la place du Palais-Royal et de la rue Saint-Honoré.

Malheureusement, les Grands Magasins du Louvre sont ravagés par un incendie dans la nuit du 23 au 24 septembre 1943 lorsqu’un avion de l’armée de l’air britannique descendu par la défense antiaérienne allemande s’écrase en flammes sur le bâtiment.
Seules les façades résistent au feu ce qui permet de reconstruire l’immeuble.
Les magasins ferment cependant définitivement leurs portes en 1974 et laissent place à un centre commercial spécialisé dans les antiquités baptisé le « Louvre des antiquaires ».

A la Belle Jardinière

Dans les années 1820, une petite boutique de confection installée Quai aux Fleurs, sur l’île de la Cité se développe rapidement grâce à une toute nouvelle invention, la machine à coudre. Son propriétaire, Pierre Parissot, agrandit l’immeuble qui est dorénavant compris entre les rues de la Cité, du Haut Moulin et des Marmousets.
Lorsque Parissot est exproprié afin de laisser place à l’Hôtel-Dieu, l’enseigne A la Belle Jardinière déménage quai de la Mégisserie, en 1866.
Contrairement aux autres grands magasins parisiens, celui-ci ne se diversifie pas et reste centré sur la confection destinée aux classes moyennes. Il propose également des uniformes scolaires et même militaires durant la Première Guerre Mondiale.
La Belle Jardinière est vendue en 1972 au groupe Agache-Willot. Le nom disparaît car le groupe n’est intéressé que par l’immeuble afin d’y installer un magasin Conforama. Après le rachat par LVMH, les enseignes Darty et Habitat s’installent également dans les anciens magasins de La Belle Jardinière.

Le Printemps

Jules Jaluzot originaire de la Nièvre arrive à Paris à l’âge de 19 ans, en 1853. Il travaille pour plusieurs petites maisons avant d’obtenir un emploi de second au Bon Marché.
Il épouse une comédienne, sociétaire de la Comédie-Française, Augustine Figeac, en 1864. En réunissant sa dot et ses propres économies, Jules Jaluzot parvient à se mettre à son compte. En 1865, il ouvre un magasin baptisé « Au Printemps » dont les 17 comptoirs proposent de la confection et des articles de maison.
Le choix de l’emplacement, à l’angle de la rue du Havre et du boulevard Haussmann est judicieux car si le quartier n’est pas encore fort habité, il est facilement accessible via la gare Saint-Lazare toute proche et promet d’être rapidement englobé dans l’extension de la capitale.
Malgré son jeune âge, Jules Jaluzot a acquis de l’expérience qu’il met à profit pour attirer sa clientèle. Il propose des articles de qualité à prix fixe mais aussi des articles défraîchis à petit prix à la fin de chaque saison, précurseur de nos soldes. Il fait également installer des ascenseurs conçus par Félix Léon Ledoux et découverts lors de l’Exposition universelle de Paris de 1867.

Le magasin connaît le succès escompté et doit très vite s’agrandir. Le projet n’est pas encore concrétisé lorsque le magasin est ravagé en grande partie par un incendie accidentel en mars 1881. C’est l’occasion de reconstruire encore plus grand, encore plus somptueux. Les plans sont dessinés par l’architecte Paul Sédille. Pendant la durée des travaux, la vente continue dans les rez-de-chaussée des parties non détruites. Celles-ci seront cependant rasées afin de donner une harmonie à l’ensemble néo-classique qui s’étend dorénavant sur le pâté de maisons compris entre le boulevard Haussmann et les rues du Havre, de Provence et de Caumartin, soit une superficie de près de 3.000 m².
Le nouveau Printemps surprend par l’utilisation du fer et du verre comme éléments décoratifs mais surtout par un éclairage parfaitement étudié pour mettre les marchandises en valeur. Le magasin est par ailleurs le premier espace public éclairé entièrement à l’électricité fournie par des machines à vapeur installées dans le sous-sol.
La création de la célèbre enseigne est l’œuvre du céramiste Jules Paul Loebnitz.

Jules Jaluzot démissionne de son poste de gérant de la société en 1905, suite à des problèmes financiers. Son successeur, Gustave Laguiole décide de moderniser le magasin en installant par exemple un monumental escalier central mais surtout de l’agrandir une nouvelle fois. Pour cela il loue des bâtiments et achète des terrains où il projette de faire construire un second magasin. C’est chose faite en 1910 lorsque le Printemps Haussmann (actuellement Printemps de la Femme) ouvre ses portes.
Si l’extérieur du bâtiment rappelle le style de celui imaginé par Sédille, l’intérieur surprend la clientèle qui ne peut que s’émerveiller devant les escaliers et balcons art nouveau, les ascenseurs panoramiques ou le fastueux grand hall.
Le Printemps diversifie ses rayons et propose désormais des articles de décoration, de vaisselle ainsi que des meubles.

A peine plus de dix ans après son ouverture le Printemps Haussmann est à son tour victime d’un sinistre. Un court-circuit dans une cage d’ascenseur met le feu au bâtiment.

La reconstruction à l’identique est confiée à l’architecte Georges Wybo qui dote le magasin d’un système d’extinction automatique.
Dès la réouverture, le Printemps Haussmann devient un lieu incontournable de la capitale. On y vient non seulement faire des courses mais également assister aux différents événements organisés ou simplement admirer les vitrines qui mettent en scène les mannequins ou s’animent au temps de Noël.

Au fil du temps, de nombreux services sont proposés aux clients. Salon de thé, salon de coiffure, agence de voyage, billetterie pour les spectacles, studio de photographie, … tout est fait pour séduire et pour fidéliser les clients. Des succursales sont ouvertes en province.
Des collections sont créées spécialement pour le Printemps par de grands noms de la mode dont Pierre Cardin et Christian Lacroix.
Parallèlement, le magasin écoule également des produits bon marché commercialisés sous le nom de Prisunic.

Le Printemps n’échappe pas à la crise des années 1970 et la société est rachetée à plusieurs reprises ce qui lui permet de retrouver des finances plus saines. Le groupe s’enrichit de plusieurs enseignes.
Il appartient aujourd’hui au fonds DISA composé d’investisseurs qatari.

La Samaritaine

Grands Magasins : la Samaritaine : [photographie de presse] / Agence Meurisse – ©Gallica, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-13 (2910)
Tout comme Arisitide Boucicaut, Pierre Parissot ou Jules Jaluzot, Ernest Cognacq originaire de Saint-Martin-de-Ré, exerce le métier de commis dans de modestes magasins de nouveautés avant d’ouvrir son propre commerce, en 1867. Baptisé « Au Petit Bénéfice », l’enseigne située rue de Turbigo met rapidement les clés sous la porte. Ernest Cognacq n’a pas d’autre choix que de devenir camelot et de vendre du tissu dans la rue.
Entre-temps, il a fait la connaissance de Marie-Louis Jaÿ, une Savoyarde qui travaille successivement à La Nouvelle Héloïse et au Bon Marché où elle devient première vendeuse.

Loin d’être découragé par sa première expérience, Ernest Cognacq se remet à son compte. Il installe une boutique, La Samaritaine, dans un local qu’il sous-loue à un café situé à l’angle des rues du Pont-Neuf et de la Monnaie.
Ernest et Marie-Louise se marient en 1872. Très vite, le couple décide de moderniser leur magasin afin de profiter de la modernisation des Halles de Paris, une réalisation confiée à l’architecte Victor Baltard. Les pavillons Baltard mais également le grand magasin de La Belle Jardinière attirent effectivement de nombreux clients potentiels dans le quartier.

Le succès est rapide et le couple Cognac-Jaÿ s’enrichit en conséquence.
En 1900, la Samaritaine devient les « Grands Magasins de La Samaritaine » et compte de nombreux comptoirs gérés par des employés qui jouissent d’une certaine autonomie.
Les immeubles voisins sont progressivement achetés afin de permettre l’agrandissent du magasin et la construction d’un second, dans le même quartier.
Afin de toucher une clientèle plus aisée, Ernest Cognacs ouvre en 1917 «La Samaritaine de luxe» sur le boulevard des Capucines.

Parallèlement, il crée avec son épouse la Fondation Cognacq Jayqui a pour but de développer des établissements de solidarité sociale, notamment des maisons de retraite, maternités, écoles d’apprentissage, pouponnières et logements à bas prix. Les principaux bénéficiaires sont les employés des magasins et leurs proches.

Les deux époux décèdent à trois ans d’intervalle (1925 et 1928) sans héritier direct. C’est leur neveu, Gabriel Cognacq qui reprend la direction du magasin et de la fondation. Il est secondé par Georges Renand. Deux nouveaux magasins voient le jour.
A la mort de Gabriel Cognacq, Georges Renand reste seul aux commandes. Son fils et ensuite son petit-fils assureront par la suite la gérance du magasin.

L’âge d’or de la Samaritaine se termine dans les années 1970. Après avoir dû abandonner la Samaritaine de luxe et louer deux magasins à d’autres enseignes, les Renand finissent par se résigner à vendre la samaritaine au groupe LVMH. Le magasin ferme définitivement ses portes en 2005. Les bâtiments font partie d’un projet de réaménagement comprenant un palace mais également des commerces, des logements sociaux et des bureaux. Malgré de vives protestations, la façade de la rue de Rivoli a été démolie en 2014.

Les Galeries Lafayette

Paris la nuit [enseignes lumineuses sur les Galeries Lafayette à la nuit tombante] : [photographie de presse] / [Agence Rol] – ©Gallica, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-13 (1356)
Nous sommes en 1894 lorsque les Alsaciens Théophile Baderet son cousin Alphonse Kahn créent la société en nom collectif « Alphonse Kahn & Cie » afin de reprendre un magasin de nouveautés et d’y ouvrir une boutique baptisée « Les Galeries » et située dans la rue La Fayette.
Trois ans plus tard et après quelques agrandissements du côté du boulevard Haussmann, le magasin change de nom et devient les « Galeries Lafayette ».
Il s’agit d’un bazar consacré à la mode féminine permettant de toucher les spectatrices sortant de l’Opéra ou les provinciales qui débouchent de la gare Saint-Lazare toute proche. Le succès est au rendez-vous.

Dans les années 1910 et 1920, des travaux d’embellissement sont entrepris et de nouveaux magasins ouvrent leur porte en France mais également à l’étranger. Parallèlement, Théophile Bader crée une nouvelle enseigne, Monoprix. Il améliore également les conditions de travail et même de vie de ses employés.

Les affaires tournent bien lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate. D’origine juive, les familles des administrateurs des galeries, les Bader, les Meyeret les Heilbronn, mais également tous les employés juifs sont contraints de démissionner. Les biens de Théophile Bader sont saisis tandis que la direction des Galeries Lafayette est confiée par l’administration de Vichy à deux hommes, le Suisse Aubert et le Français Harlachol.
Théophile Bader décède en 1942 mais un autre des administrateurs, Meyer, qui s’était engagé dans la Résistance et avait participé à la libération de Paris parvient à reprendre sa place à la tête des Galeries à la fin de la guerre.

Contrairement aux autres grands magasins de Paris, les Galeries Lafayette sont restées entre les mains des descendants de ses fondateurs. L’actuel directeur général, Nicolas Houzé, est en effet le petit-fils de Ginette Moulin, elle-même fille de Max Heilbronn et petite-fille de Théophile Bader.

Le groupe Galeries Lafayette possède également plusieurs grandes marques dont Le BHV-Marais (ancien Bazar de l’Hôtel de Ville), La Redoute ou encore le BazarChic.

L’apparition des grands magasins a sonné le glas pour la plupart des petites boutiques qui avaient auparavant pignon sur rue à Paris mais également en province.
Lorsque les centres commerciaux légèrement décentrés ont ouvert leurs portes, les grandes enseignes ont dû une nouvelle fois s’adapter et intégrer cette nouvelle forme de commerce qui permet à la clientèle de profiter d’un large choix mais également de parkings, mieux adaptés à notre époque.

Émile Zola a bien compris tout le potentiel des grands magasins lorsqu’il parle de son « Bonheur des Dames », en 1883 :

On avait vitré les cours, transformées en halls; et des escaliers de fer s’élevaient du rez-de-chaussée, des ponts de fer étaient jetés d’un bout à l’autre, aux deux étages. (…) Partout on avait gagné de l’espace, l’air et la lumière entraient librement, le public circulait à l’aise, sous le jet hardi des fermes à longue portée. C’était la cathédrale du commerce moderne, solide et légère, faite pour un peuple de clientes. (…)
Mouret avait l’unique passion de vaincre la femme. Il la voulait reine dans sa maison, il lui avait bâti ce temple, pour la tenir à sa merci. C’était toute sa tactique, la griser d’attentions galantes et trafiquer de ses désirs, exploiter sa fièvre. Aussi, nuit et jour, se creusait-il la tête, à la recherche de trouvailles nouvelles. Déjà, voulant éviter la fatigue des étages aux dames délicates, il avait fait installer deux ascenseurs, capitonnés de velours. Puis, il venait d’ouvrir un buffet, où l’on donnait gratuitement des sirops et des biscuits, un salon de lecture, une galerie monumentale, décorée avec un luxe trop chic, dans laquelle il risquait même des expositions de tableau. (…) Puis, il avait pénétré plus avant encore dans le cœur de la femme, il venait d’imaginer « les rendus », un chef d’œuvre de la séduction jésuitique. « Prenez toujours, madame : vous nous rendrez l’article, s’il cesse de vous plaire. » Et la femme qui résistait trouvait là une dernière excuse, la possibilité de revenir sur une folie : elle prenait, la conscience en règle.

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